Critiques // Critique• Twelfht night/ La Nuit des rois d’Edward Hall au Théâtre des Amandiers

Critique• Twelfht night/ La Nuit des rois d’Edward Hall au Théâtre des Amandiers

Nov 26, 2012 | Aucun commentaire sur Critique• Twelfht night/ La Nuit des rois d’Edward Hall au Théâtre des Amandiers

ƒƒƒ Critique de Dominika Waszkiewicz


© Manuel Harlan

La Nuit des rois reste, indéniablement, une des meilleures comédies lyriques de Shakespeare. Le subtil agencement de scènes romantiques et d’intermèdes burlesques lui confère un rythme irrésistible de vitalité et de fête.

Le Duc Orsino règne sur l’Illyrie. Il aime désespérément et unilatéralement Olivia. Un vaisseau venu de Messine fait naufrage et sépare Viola de son cher jumeau Sébastien. La jeune femme décide alors de s’introduire auprès du Duc sous les traits d’un jeune homme et se rebaptise Cesario. Le page délicat qu’elle est devenue se voit confier la mission de séduire Olivia pour le compte de son protecteur… Mais comment pourrait-elle jouer sérieusement ce rôle d’entremetteuse alors qu’elle-même rêverait d’épouser le Duc ? Et que dire lorsque, trompée par l’apparence masculine de Viola, la fière Olivia tombe sous le charme de celle qu’elle croit être un gentilhomme ?

Jeux de travestissements et d’incessantes mises en abyme, cette pièce est réjouissante de contrastes. Oscillant sans cesse entre mélancolie et plaisir, mariant étroitement réel et illusion, elle est à l’image de l’opale citée par le fou à propos de l’esprit lunatique d’Orsino :

Now, the melancholy god protect the, and the tailor make thy doublet of changeable taffeta, for thy mind is a very opal. (II, 4)

Une mise en scène magistrale qui nous réapprend le goût du théâtre

La troupe Propeller est une troupe hors du commun. Tout d’abord, dédiée au théâtre de Shakespeare, elle n’est, comme aux temps élisabéthains, composée que d’hommes (je vous laisse imaginer l’effet de la chose sur la complexion diégétique). En outre, son exceptionnelle inventivité alliée à un formidable travail individuel et collectif nous offrent un résultat époustouflant de générosité, d’intelligence et d’amour du jeu.

La soirée s’ouvre sur un décor inspiré de Resnais : lustre baroque chaviré et hautes armoires modulables montées sur roulettes. Au sein de ce cadre intimidant et péremptoire, et comme pour le contredire de leur présence ludique ou inquiétante, déambulent des êtres masqués en costume-cravate. Muets et délicieusement oniriques, ces silhouettes semblent sortir tout droit d’un tableau de Magritte et nous invitent, avec ironie ou douceur, à passer de l’autre côté du miroir…

Ce que nous faisons, sans hésiter !

Et là, quelle fougue ! Entre un rythme endiablé enthousiasmant et une jouissive rigueur textuelle, nous sommes littéralement happés par le spectacle sans, pour autant, perdre un mot de cette exquise langue shakespearienne, si crument imagée parfois.

Léger bémol, cependant : les surtitrages français n’étant pas encore tout à fait en place pour la première, j’invite les non-anglophones à (re)prendre connaissance du texte afin de ne pas rater une miette de l’incomparable phrasé.

“What you will”

Les comédiens nous livrent leur personnage avec finesse mais sans vanité, comme s’ils n’étaient qu’un rouage d’une fantastique machine qui les rendrait à la fois interchangeables et essentiels. Les travestissements ne tombent jamais dans le grotesque et Olivia (Ben Allen), dans sa longue robe noire et ses airs de reine offensée, nous apparaît comme une femme fatale amoureuse, prise à son propre jeu. On rit peut-être, on rit souvent même, mais pas du fait que le rôle soit interprété par un homme. Au contraire, cette clause renforce plutôt l’ambivalence originelle du théâtre élisabéthain que Propeller réinvente pour nous.

Entre le numéro de claquettes de Maria (le surprenant Gary Shelford), les incessantes trouvailles de mise en scène et la beauté suspendue des chœurs, le public est ravi. Comme le promettait le dramaturge dans le titre, Twelfth night or what you will, ce spectacle nous comble et, longtemps après que les lumières se soient rallumées dans la salle, on entend encore la voix du fou (Liam O’Brien) entonner la chanson finale :

With hey, ho, the wind and the rain…

La nuit des rois
Texte: William Shakespeare
Adaptation par Edward Hall et Roger Warren
Mise en scène : Edward Hall
Décor et costumes : Michael Pavelka
Lumière : Ben Ormerod
Musique : Propeller
Arrangements (musique) : Jon Trenchard
Son: David Gregory
Avec : Ben Allen, Darrell Brockis, Joseph Chance, John Dougall, Finn Hanlon, Lewis Hart, Christopher Heyward, Vince Leigh, Chris Myles, Liam O’Brien, Benjamin O’Mahony, Gary Shelford, Dan Wheeler, Arthur Wilson
Production :Propeller
Jusqu’au 2 décembre 2012 – Tous les jours à 20h sauf le dimanche à 16h et le jeudi à 19h30 – Relâche le lundi
Spectacle en anglais surtitré
Théâtre des Amandiers
7avenue Pablo Picasso
92022 Nanterre Cedex
Métro : La défense puis bus 159 – RER Nanterre préfecture – Navette à partir de Charles de Gaulle étoile
Réservation : 01.46.14.70.00
www.nanterre-amandiers.com

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