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Critique • « Antigone » de Sophocle, mise en scène d’Olivier Broda au Vingtième Théâtre.

Mar 30, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • « Antigone » de Sophocle, mise en scène d’Olivier Broda au Vingtième Théâtre.

Critique de Camille Hazard

Si la pièce et le personnage d’Antigone de Sophocle sont éternels, c’est qu’il s’agit d’une des œuvres les plus puissantes, les plus fascinantes, les plus exacerbées qui soient. Sophocle met en scène l’hybris mortifère et la déraison jusqu’au-boutiste. Il  questionne à travers les personnages d’Antigone,  de Créon et du chœur, la morale individuelle, l’ordre collectif au sein de la cité. Les lois sociétales régies par un roi trop sûr de son pouvoir se font chahuter par la volonté divine, toute puissante. Si Œdipe atteint la lumière et la sagesse en se transperçant les yeux, Antigone et Créon, eux, s’aveuglent d’orgueil en se réclamant des Dieux.

Elle court, elle court l’Antigone vers le drame.

La mise en scène d’Olivier Broda regorge de trouvailles, d’éléments qui se  greffent, se superposent au texte et au jeu des comédiens : violoncelle, chants, interventions du chœur en grec, gestuelle empruntée au tragique, dialogues se terminant en complaintes chantonnées, jeu qui se fait entièrement pieds nus sur le plateau (?), Un comédien (Sylvain Fontimpe) pour incarner Ismène… Malheureusement cette surcharge théâtrale anéantit le propos de Sophocle. Nous assistons à un drame plutôt qu’à une tragédie.

L’Antigone, du grec « qui ne peut procréer », qui ne portera donc jamais la vie, elle, la sauvage, l’aride, l’extrême, l’assoiffée, la vengeresse, la suicidée, devient entre les mains d’Olivier Broda, une héroïne charnelle, plaintive, pleurante et laissant libre court au pathos. On sent pourtant à certains moments la force et les qualités de la comédienne Laëtitia Lambert mais, coincée dans des mouvements et des gestes fabriqués, elle n’atteint pas un état d’abandon chargé.

Créon (le grand comédien Alain Macé) s’oppose à Antigone, au chœur, aux Dieux, uniquement par le cri. La stature imposante et inébranlable du roi se dilue en scène de colère quotidienne et capricieuse. Pourquoi ne pas faire le choix de la simplicité et de la sincérité ? Les grands textes demandent qu’on leur accorde attention et compréhension. C’est dommage ici, d’assister à une mise en scène « originale » plutôt que d’entendre résonner les mots de Sophocle…

L’utilisation du violoncelle et des chants pourrait être source évocatrice mais l’on reste dans un climat de douceur évanescente. On regrette l’absence de débordement, de « lâcher prise » qui viendraient s’ajouter à l’aspect intime, presque monacal des scènes de chœur.

On retrouve la dimension tragique à travers l’utilisation de fils rouges. Ceux-ci sont tendus des cintres à un arbre desséché (mais tout de même vernis !), planté au milieu du plateau, symbole d’une cité bientôt en deuil et régie par la volonté des Dieux. L’image est forte.

Les lumières créent un climat lourd, de non-dits et de violence, grâce à des jeux d’ombres sur les visages, de découpes de couleurs tranchantes sur le plateau.

Visuellement, de très belles images se dégagent de cette mise en scène fort ambitieuse. On ressent le travail pensé et minutieux de Noëlle Ginefri-Corbel (scénographie).

Manque t-il seulement la sève du texte ?

Antigone

De Sophocle
Mise en scène d’Olivier Broda
Traduction de Jean et Mayotte Bollack
Avec Alain Macé, Maëlle Dequiedt, Sylvain Fontimpe, Laëtitia Lambert, Claire Marthaut, Anne-Laure Pons et Eve Weiss.
Scénographie de Noëlle Ginefri-Corbel
Costumes d’Aurore Popineau et de Claire Schwarz
Création lumières de Gilles Gaudet
Direction musicale du chœur de Haim Isaacs
Composition violoncelle de Maëlle Dequiedt
Composition sonore d’Etienne Bultingaire
Travail corporel et chorégraphie de Grégory Edelein
Construction décors de Bruno Lagarde

Du 28 mars au 6 mai 2012
Du mercredi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h00.

Vingtième Théâtre
7, rue des Platrières – 75 020 Paris
Métro Ménilmontant
Réservations au 01 43 66 01 13

www.vingtiemetheatre.com

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