ƒƒƒ Critique Dominika Waszkiewicz

©DR

Reprise du spectacle créé en 2003, Plan B nous narre une histoire muette et délicieusement  candide autour du mythe de Sisyphe. Petit conte sur l’immuabilité de l’éternel recommencement, il met en scène quatre danseurs-jongleurs-acrobates-comédiens en costumes-cravates affrontant les diverses problématiques spatiales imposées par les plans. À chaque séquence, la difficulté change et recommence en une perpétuelle lutte contre la gravité.

Le désir de sortir du cadre, pièce iconoclaste

À l’aide d’une bande son hypnotique et de glissades régulièrement rythmées, le spectateur est très rapidement aspiré hors de ses prosaïques préoccupations, hors du temps et de l’espace.

Le plan, initialement incliné, transforme des acrobaties originellement classiques en moments suspendus, merveilleusement aériens. L’effet de ralentis qui en découle nous subjugue et renvoie au cinéma muet ou au théâtre de marionnettes. Les figures, tantôt follement actives, tantôt passifs paquets coulant verticalement sur le plan gris, prennent des aspects poétiques imitant l’atmosphère déroutante des toiles surréalistes.

Mais, à peine parvenons-nous à formuler une pensée, un début d’interprétation, que l’enchaînement nous entraîne en reniant nos conclusions. De Magritte, on passe soudain à street fighter avant d’assister à l’émouvante éclosion d’un étrange papillon… le tout avec une maîtrise technique et artistique telle que chaque partie du corps se vêt d’une jouissive expressivité et il nous semble presque comprendre ce que des mains nous disent.

Un spectacle réussi sur tous les plans

De nos jours, on parle beaucoup de pluridisciplinarité mais les résultats des tentatives scéniques hybrides ne sont pas toujours aussi concluants que pour Plan B. Ici, les passerelles sont jetées et c’est une réussite, à tous les niveaux. Bien plus qu’une simple remise en question de l’espace ou qu’un traditionnel numéro de cirque, cette pièce protéiforme nous touche par sa poésie. Souvent drôle et toujours émouvante, elle nous fait nous interroger sur nos propres images en les détournant allégrement.

Finalement, la réalité spatiale semble faussée et le spectateur ne sait plus s’il doit croire ses sens déroutés ou juste accepter le mirage. Ainsi, dans la dernière séquence, une caméra nous renvoie l’image du plateau vu du dessus. Le plan horizontal devient alors vertical et c’est tout un monde de possibles qui s’ouvre, vertigineusement…

Entre théâtre, danse, mime et cirque, les quatre interprètes nous entraînent dans un univers poétique jubilatoire. Avec une insatiable malice, ils jouent à déjouer nos idées reçues. D’illusions en illusions, nous oublions la rigide géométrie de notre monde et, pendant un peu plus d’une heure, nous rêvons que nous touchons du doigt les étoiles…

Plan B
Un spectacle de : Aurélien Bory, Phil Soltanoff
Avec : Mathieu Bleton, Itamar Glucksmann, Jonathan Guichard, Nicolas Lourdelle
Conception et scénographie : Aurélien Bory
Mise en scène : Phil Soltanoff
Création des rôles : Olivier Alenda, Aurélien Bory, Loïc Praud, Alexandre Rodoreda
Lumière : Arno Veyrat
Musique : Phil Soltanoff, Olivier Alenda, Aurélien Bory
Musique additionnelle : Ryoji Ikeda, Lalo Schiffrin
Assistant à la mise en scène : Hugues Cohen
Répétiteurs : Olivier Alenda, Loïc Praud
Vidéo : Pierre Rigal
Costumes : Sylvie Marcucci
Décor : Christian Meurisse, Harold Guidolin, Pierre Dequivre
Jusqu’au au 12 janvier 2012, 18h30
Relâche les lundi, les 16, 18 et 25 décembre et le 1^er janvier
Durée 1h10
Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt – 75008 Paris
Métro : Franklin Roosevelt – Champs Élysées Clémenceau
Réservations : 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

© Aglaé Bory

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