Critique Dashiell Donello

Un trop joli bar au pays du  soleil levant…

Photo © Antonia BOZZI

Jamais une scénographie (Annabel Vergne), aussi belle soit-elle, n’abolira l’auteur. Pourtant elle promettait tant cette ligne pure de gemme, posée en autel de vestale. Etait-elle trop grande, trop géométrique ? Car ce trop joli bar de Tokyo ne nous a pas enivré et le service de mise en scène (Gilbert Désveaux) nous laisse dubitatif.

Cet espace ouaté de rêve et de raffinement nous faisait déjà saliver de situations sensuelles, d’actes transgressifs, de secrets d’alcôves, dans une histoire dramatiquement autobiographique. Mais la promesse de sensation psychodramatique n’a pas été tenue.

Tokyo. La fin des années soixante. Un hôtel plusieurs fois étoilé. Un couple d’américains. Miriam et Mark. L’alcool, la drogue, le sexe, la maladie, la peur. Miriam n’admire plus Mark, un peintre de talent, qui n’est plus qu’une loque, qu’un artiste déchu. Alors elle se réfugie dans la prédation sexuelle. Avec la complicité du galeriste qui a rendu célèbre Mark, elle cherche à renvoyer cette ombre de mari à New York et à l’hospitaliser pour vivre dans son cercle de lumière.

Presque tout dans la pièce de Tennessee Williams (1911-1983) parle de sa propre histoire. Comme Tennessee, Mark voit sa célébrité s’ombrager et l’être aimé lui échapper. Comme Mark, pris dans l’addiction à l’alcool et aux médicaments, Tennessee meurt dans un hôtel n’ayant jamais admis la mort de son ami.

Rarement jouée la pièce « Tokyo Bar » superbement adapté par Jean-Marie Besset nous parle du déclin d’un peintre célèbre et la perte de l’être aimé, ou plus exactement comme l’écrit Tennessee Williams dans « Lettre à un metteur en scène (1969) » :

« La pièce (…)  traite de l’échec ordinairement précoce et particulièrement humiliant qui frappe l’artiste. Il s’est, au début de sa vocation, quasi totalement dédié à son œuvre. »

« Tokyo Bar » repose sur les épaules de Christine Boisson et si son jeu nous laisse entrevoir tout ce qu’il y a de plus subtil, d’émotionnel et de rayonnement dans sa forte présence, surtout dans les scènes avec le barman (Mathieu Lee, impressionnant de justesse), sa Miriam est desservie par une interprétation trop caricaturale de ses partenaires. Alexis Rangheard nous donne un Mark plein de clichés  et qui comme son personnage n’est pas très inspiré. La maîtrise physique n’est pas au rendez-vous. Le corps ne ment jamais, et quand l’acteur donne maladroitement l’apparence d’un handicap, il ne nous sert que de la contrefaçon. Quant à Laurent d’Olce (Leonard), il tombe dans les trous de jeu qu’il crée par un manque de rythme et de sincérité. Pour toutes ces raisons nous allons à l’ennui et passons à côté de la dramaturgie de ce texte remarquable. La problématique de cette mise en scène est que Gilbert Désveaux n’a pas trouvé ce qui délimite la représentation visuelle, de la révélation textuelle de la pièce. Les structures du récit, par le non dit du texte, ne sont qu’effleurées : ce qui donne des temporisations fausses, des coupures dans l’objectif du jeu d’acteur et donc un affaiblissement de l’incarnation du personnage.

La conclusion est extérieure, alors que c’est la chose intérieure qui détient le vœu profond de l’auteur. Comme le dit Miriam dans son cercle de lumière : « Je ne sais pas où aller ». Or, il est utile de se situer dans la fiction pour qu’apparaisse la vérité théâtrale.

TOKYO BAR

De Tennessee Williams
Adaptation Jean-Marie Besset (L’avant-scène théâtre)
Mise en scène de Gilbert Désveaux
Avec Christine Boisson, Laurent d’Olce, Mathieu Lee, Alexis Rangheard et la participation de Farida Remadna
Collaboration artistique de Mama Prassinos
Décor d’ Annabel Vergne
Lumières de Martine André
Costumes d’Annabel Vergne et Marie Delphin
Musique de Serge Monségu
Théâtre de la Tempête à Paris jusqu’au 2 juin 2012.

Du 27 avril au 2 juin
Du mardi au samedi à 20h30- le dimanche à 16h
Réservation : 01 43 28 36 36

Théâtre de la tempête, cartoucherie
Route du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris
Station Château de Vincennes, bus 112 –arrêt cartoucherie
www.la-tempete.fr

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