Critique d’Anne-Marie Watelet
Qui je suis? De qui je viens? Qu’est-ce que je voudrais être?…
Attention : le comédien se métamorphose en de multiples créatures vivantes !
Ce spectacle léger et en couleurs de 45 minutes, s’inscrit dans la Biennale Odyssée en Yvelines qui nous a déjà été présentée au CDN de Sartrouville en 2011.
Ça commence comme ça : encore en gestation, un être remue, écoute, s’étonne. Et hop, le voilà au monde ! Et l’aventure démarre, peuplée d’expériences et de découvertes que l’on peut qualifier de métaphysiques, mais à hauteur d’enfant. Car ce môme énigmatique a envie de comprendre le surgissement de la vie, sa transmission et la diversité des vies. Pourquoi moi? Pourquoi je suis tel et pas un autre? Alors il tente d’être tout autre chose : une petite fille, un coureur , un monstre papa, un gorille, un amoureux… Et enfin une personne qui fait lui-même un enfant.
Le petit espace scénique dans lequel le personnage se transforme, est ludique et gai, allumé d’ampoules et de bulles multicolores; de forme circulaire symbolisant le ventre maternel. Espace délimité dans lequel s’inscrit le monde de « l’enfantasme »créé par Malin Axelsson, où rien n’est fixé, où s’animent des êtres surgis des désirs d’outre-passer les frontières : celles de l’identité, celles également -et là, on va plus loin – des normes et rôles préétablis. Le père, avec ses lunettes, se doit d’être autoritaire, le monstre hurle méchamment, la petite fille a une voix caressante et douce…
Mais voilà, les apparences sont trompeuses comme le souligne si bien Pauline Bureau, metteur en scène : de «multiples personnalités habitent en chacun (…) (un) monstre sommeille en chacun de nous» Ainsi, ce dont l’auteur parvient à faire prendre conscience aux nombreux enfants présents, c’est que sous ces apparences et en dépit des stéréotypes, se cachent tant d’autres choses ! Ainsi, le monstre, à un moment, se plaint à fendre le cœur d’un manque d’amour; la petite fille arrache …mais n’en disons pas trop ! Bref, soit par sa curiosité infantile, soit par son désir de rébellion, le personnage fait voler en éclats les rôles que la société nous impose. Et cela avec simplicité et une certaine innocence, ce qui rend la pièce accessible au jeune public. D’ailleurs, il réagit, tant aux facéties drôles qu’aux mini-drames des personnages imaginés.
Elya Birman joue cette bulle en mêlant toutes ces vies; à partir de l’Etre à naître plein de possiblités et de rêves dans la tête. Grâce à la scénographie ludique et simple, il donne vie aux personnages. Un petit tour derrière le paravent et très vite, s’en revient, masqué en monstre, tantôt menaçant, tantôt dansant; courant un cent mètres; grondant son fils ou encore minaudant avec une voix de petite fille. Les transitions sont habiles, le rythme enlevé. Les regards d’Eya ont une disponibilité et la vivacité qu’exigent ces métamorphoses de quelques minutes, ainsi que les lueurs de l’innocence. Dommage que sa grande stature se prête moins à son rôle ! Mais il parvient malgré cela à sensibiliser son public.
On déplore dans la conduite du comédien, une longueur dans la scène avec la poupée, lorsqu’il est la petite fille, d’autant que la voix est enregistrée (trop souvent dans l’ensemble), et que le son souffre un peu d’un manque de clarté. D’autre part, quelques accessoires ou costumes supplémentaires, un accompagnement musical plus conséquent, auraient davantage teinté le spectacle de fantaisie et d’onirisme. Toutefois, l’ensemble sert avec délicatesse et efficacité ce texte, dont les idées et l’intérêt qui en découlent ne peuvent qu’inciter à faire découvrir et savourer le jeune public. Un progamme-jeu illustré leur est offert à l’entrée !
Les adultes ne sont pas en reste pour ce qui est de la réflexion, et nous laisserons le mot de la fin à l’auteur :
« Déjà avant notre naissance, les structures et les règles que nous devrons suivre sont là.La liberté d’être la personne que nous voulons est ambiguë et vacillante » .
Nul didactisme ennuyeux, pas de leçon contraignante dans cette pièce. Juste un appel à la réflexion sur notre liberté, à comprendre et à faire sien selon les âges des spectateurs. En cela, c’est une réussite.
Je suis une bulle…
Texte Malin Alexsson
Traduction Marianne Ségol
Mise en scène Pauline Bureau
Avec Elya Birman
Scénographie Alice Touvet
Son Vincent Hulot
Régie générale Thibaut Champagne
Samedi 7 avril à 16h et 20h 30
Séances en temps scolaire du 2 avril au 4mai
Centre Dramatique National de Sartrouville
Espace Gérard Philippe 80 rue Louise Michel – 78500 Sartrouville
Ligne A du RER, puis 5 mn à pied
Réservations 01 39 57 64 84 / 01 30 86 77 79