Critiques // Concert de Rodolphe Burger à l’Odéon : « Le Cantique des Cantiques » et « Hommage à Mahmoud Darwich »

Concert de Rodolphe Burger à l’Odéon : « Le Cantique des Cantiques » et « Hommage à Mahmoud Darwich »

Nov 18, 2011 | Aucun commentaire sur Concert de Rodolphe Burger à l’Odéon : « Le Cantique des Cantiques » et « Hommage à Mahmoud Darwich »

Critique de Camille Hazard

La vérité a deux visages…

Trois artistes à l’origine de ce projet musical créé au Théâtre Molière à Sète en 2010.
Rodolphe Burger, ex-lieder du groupe Kat Onoma et complice d’Alain Bashung. Chanteur, musicien hétéroclite mêlant rock, jazz, folk, musique électronique dans ses créations : musique inclassable, emplie d’expériences vécues, teintées de tonalités obsessionnelles et ravageuses…
Ruth Rosenthal, chanteuse, comédienne israélienne que nous avions découverte au mois de juin dernier lors du Festival Impatience à l’Odéon dans le spectacle « Jérusalem plomb Durci » (1).
Enfin, Rayess Bek. Auteur, compositeur et chanteur libanais, aux influences rap et slam, qui parcourt le monde en collaborant avec les plus grands noms de la scène américaine, arabe et européenne.
C’est ainsi qu’accompagnées d’instruments occidentaux et d’un oud, ces trois voix résonnent. Ensemble, elles portent l’un des plus beaux textes d’amour le Cantique des Cantiques, tiré du 1er testament (traduction Olivier Cadiot) et rendent hommage au poète palestinien, disparu en 2008, celui-là même qui dans sa poésie, rendait hommage aux Vaincus : Mahmoud Darwich.
Un extrait du film Notre Musique de Jean-Luc Godard s’immisce entre les deux parties musicales et nous fait entendre la voix du poète.

© Sebastien Klopfenstein

Amour charnel, désirs ardents pour une paix annoncée ?

Ma hanche est une plaie ouverte car je t’aime
[…] Je t’aime car je te désire.

M. Darwich

La poésie et le texte biblique sont transfigurés par les instruments et les voix, en acte d’amour.
La musique progressive s’articule autour d’un abandon et d’une tension sexuelle à fleur de peau.
Jamais les voix ne chantent ni ne s’égarent dans des variations mélodieuses ou narratives.
La voix de Ruth Rosenthal (en hébreux) est comme déchue, désarmée, s’abandonnant abandonnée… toujours d’une fiévreuse féminité.
Les mots et la voix de Rayess bek (en arabe) nous parviennent en murmures délicats, comme un souffle timide, mais assuré sur notre cou. La colonne vertébrale de cet ensemble est tenue par le timbre et l’énergie qu’apporte la voix de Rodolphe Burger (en français).
Les instruments épaulent la poésie. L’oud devient témoin puis quatrième récitant de cette histoire. La basse, dans une rythmique obsédante, jette une ombre sur ces accords parfaits comme une trainée de souffre. Les percussions sensuelles, parfois violentes, résonnent comme des coups de hanches jusqu’à l’extase.

Ce concert créé autour de la situation politique, religieuse, humaine en Israël et en Palestine, a attiré beaucoup de spectateurs (la salle était pleine) très certainement chargés d’opinions, de réflexions diverses et variées! Tout le monde a bien sa petite idée sur le sujet !
Mais bien vite la musique nous désarçonne et nous démasque.
Déshabillés de nos convictions, nous nous abandonnons « nus » à la sensualité des vibrations…
Aucune religiosité dans le Cantique des Cantiques, simple histoire d’amour sacrée, comme le sont toutes les histoires d’amour. Vagabondes et possédées, les voix s’écoutent, se cherchent, se répondent. Puis, dans « un roulis d’amour » et de lumière inondant le plateau, elles se rencontrent et s’enchevêtrent sur les mots : « S’envolent les colombes… se posent les colombes. » Modestes mots qui tirent leur force de leur volonté obsessionnelle d’être dits.

La musique s’est faite chair. Nous n’avons pas réfléchi, jugé, statué, expertisé… nous nous sommes abandonnés à écouter et à ressentir de tout notre être. La vérité a bien deux visages… et deux corps.


  1. Jerusalem Plomb Durci de Ruth Rosenthal et Xavier Klaine » voir l’article

Le Cantique des Cantiques et Hommage à Mahmoud Darwich
Guitare et voix
: Rodolphe Burger
Oud
: Mehdi Haddad
Basse et clavier
: Julien Perraudeau
Électronique et clarinette
: Yves Dormoy
Chant arabe
: Rayess Bek
Chant hébreu
: Ruth Rosenthal

Le mercredi 16 novembre 2011 à 20h
Dans le cadre du
4e Printemps arabe à l’Odéon

Odéon – Théâtre de l’Europe
Place de l’Odéon, Paris 6e
Métro Odéon – Réservations 01 44 85 40 40
www.theatre-odeon.fr

Site de Rodolphe Burger : www.rodolpheburger.com
Site de Ruth Rosenthal / Winter Family : www.winterfamily.info
Site de Rayess Bek : www.rayessbek.com

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