ƒƒ article de Florent Mirandole

Une petite foule traverse la salle d’embarquement d’un aéroport australien. C’est dans ce lieu où converge une population forcément agitée et bigarrée qu’une sociologue décide d’y prélever son objet d’étude. S’entretenant avec une poignée d’entre eux, elle explore leurs racines, leur identité, et leur sentiment d’appartenance afin de comprendre ce qui les « construit ». Complexity of Belonging se révèle ainsi comme un projet particulièrement ambitieux, à mi-chemin entre l’étude psychologique d’un peuple et son portrait chorégraphique.

Nation mélangée, stratifiée ou menacée, l’Australie était idéale pour interroger la notion d’appartenance à cette nation. Toutefois la lecture politique disparaît très vite sous le regard sociologique, tant le sentiment commun d’appartenance à une même nation des interviewés apparaît vite comme un verni écaillé. Les grandes idéologies ont vécu, le spirituel affleure à peine. Les individus choisis apparaissent façonnés d’abord par leurs personnalités, leurs orientations, leur choix de vie. Sexe, culture, argent… autant de liens possibles tissés par chacun d’eux pour se constituer leur petite tribu, dont le couple apparaît être la cellule indépassable.

© DR

Ainsi un couple d’homosexuels est-il confronté aux valeurs pentecôtistes de la famille de l’un deux. Une psychologue déracinée s’inquiète de ce que tout le monde en Australie ne connaisse « no worry » (« aucun soucis »). Ou encore, un asiatique s’étonne d’être considéré comme une menace dans cette société de blancs pourtant familière de la colonisation. Tantôt anecdotiques, tantôt intimes, les témoignages font ainsi apparaître une société fragmentée, torturée, qui s’accroche souvent aux branches du bonheur individuel pour survivre.

La richesse des témoignages est accompagnée d’une mise en scène simple, destinée avant tout à apporter de la fluidité et de la simplicité à la pièce. Si la vidéo est ici surtout utile pour représenter des conservations sur Skype, la danse elle même est souvent réduite à de longs interludes. Pourtant elle n’en est pas moins essentielle, tant elle semble prendre le relais de ce que les consciences de ces individus au bord de la crise de nerfs refusent parfois de s’avouer.

Par sa structure, le spectacle est bien entendu condamné à faire se défiler les scènes individuelles. Mais la force des témoignages suffit à animer cette pièce audacieuse, et à apporter en prime des pistes d’explications à la question de l’appartenance.

Le message d’espoir en guise de conclusion ressemble trop à une pirouette sémantique un peu naïve, peut-être inévitable lorsqu’il faut refermer une problématique dont on mesure à peine l’immensité. Il n’en reste pas moins que Complexity of Belonging réussit à apporter un peu de complexité à ce thème ardu et épineux, magnifiquement mis en mouvement qui plus est.

 Complexity of Belonging
Un projet de Falk Richter et Anouk van Dijk
Conception, mise en scène et chorégraphie Falk Richter et Anouk van Dijk
Texte Falk Richter
Décor Robert Cousins
Costumes Mel Page
Lumières Niklas Pajanti
Musique originale Malte Beckenbach
Dramaturgie Nils Haarmann et Daniel Schlusser
Avec Joel Bray, Lauren Langlois, Alya Manzart, Eloise Mignon, James Pham, Stephen Phillips, Josh Price, Karen Sibbing, Tara Soh

Du 03 au 06 juin 2015

Théâtre National de Chaillot
1, place du Trocadéro – 75016 Paris
Métro Trocadéro (lignes 6 et 9)
Réservation 01 53 65 30 00
www.theatre-chaillot.fr

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