© Christophe Raynaud de Lage

ƒƒƒ article de Jean Hostache

Création inédite et bouleversante accueillie en Avignon, François Cervantes signe avec les élèves du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique un spectacle de sortie d’école de grand niveau, qui, nous l’espérons, ira très loin.

Ces joyeux acolytes proposent l’expérience forte d’interroger le réel à l’épreuve du plateau, à partir d’une matière riche et sincère : Eux. C’est à dire que cette pièce leur appartient, comme le conclu le titre de ce spectacle. C’est d’Eux qu’ils nous parlent, c’est à travers Eux qu’ils convoquent au plateau leurs mémoires, souvenirs vécus ou fantasmés, le récit de petites anecdotes qui font la construction d’un être. L’utilisation du « Je » porte ici le courage de la confidence et la beauté de l’intime, sans jamais tomber dans le narcissisme. Un « Je » singulier qui nous traverse – on se surprend effectivement à rire ou à pleurer à chaudes larmes – et qui prouve bien que le glissement du récit singulier à celui de l’universel et d’une mémoire partagée opère à merveille. Tous ces jeunes, prometteurs et talentueux comédiens ont ainsi puisés les scènes de théâtre que furent leur vies, et remontent même les siècles pour faire revivre les témoignages de leurs ancêtres comme un puissant hommage. Ils sont vivants, ils ne jouent pas, il s’agit d’Eux, et se présentent comme des écorchés vifs qui viennent nous raconter leur histoire. L’histoire également d’une communauté de camarades de classes ayant tissés des liens forts en travaillant ensemble. Des liens qui nous offrent l’expérience de vivre ensemble le temps d’une représentation. Ils s’aiment ou se supportent mais se rallient à la scène, et c’est tout simplement magnifique à voir et à admettre. Le danger aurait été ici, en explorant la matière intime du vécu et du réel de chacun, de tomber dans le larmoyant ou dans une psychanalyse malvenue… Néanmoins c’est là que la direction d’acteur de François Cervantes vient contourner cet écueil. Les acteurs sont là pour nous livrer une réalité (la leur), sorte de readymade scénique, qui ne s’efface pas au profit de l’artifice. Un peu comme la manière dont Jérôme Bel a de travailler – on peut faire référence à ses Portraits – ici les comédiens adoptent une certaine distance, ou du moins un recul, sur les récits qu’ils sont amenés à relater. Leur simple présence suffit à créer de vastes mondes et à faire jaillir des sens, des résonances, et des références que le public ne cesse d’attraper de plein vol.

On peut donc souhaiter à ces interprètes bouleversants, disant au revoir à leur ancienne école, une belle continuité et une carrière trépidante qui, avec Claire, Anton et Eux, nous souffle la promesse de biens belles aventures que nous aurons hâte de suivre de près.

 Claire, Anton et Eux

Mise en scène  François Cervantes
Dramaturgie  Renaud Ego
Lumière  Lauriano de La Rosa
Costumes  Camille Aït Allouache

Avec  Gabriel Acremant, Théo Chédeville, Louise Chevillotte, Milena Csergo, Salomé Dienis Meulien, Lucie Grunstein, Roman Jean-Elie, Jean Joude, Kenza Lagnaoui, Sipan Mouradian, Solal Perret-Forte, Maroussia Pourpoint, Léa Tissier, Sélim Zahrani

Du 17 au 19 juillet 2017 à 18h
Gymnase du Lycée Saint-Joseph
Rue des Teinturiers, 84000 Avignon

Réservations au 04 90 14 14 14
http://www.festival-avignon.com/fr/ 

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