À l'affiche, Critiques // Chroniques Pirates, Création commune de la Compagnie en Eaux Troubles, Mise en scène Paul Balagué, Théâtre L’Échangeur Bagnolet

Chroniques Pirates, Création commune de la Compagnie en Eaux Troubles, Mise en scène Paul Balagué, Théâtre L’Échangeur Bagnolet

Jan 08, 2020 | Commentaires fermés sur Chroniques Pirates, Création commune de la Compagnie en Eaux Troubles, Mise en scène Paul Balagué, Théâtre L’Échangeur Bagnolet

 

© Loïc Chabrier

 

ƒƒƒ article de Garance
Chroniques Pirates, C’est tout d’abord nous, public, qui nous retrouvons injustement calfeutrés dans un vaisseau-prison. Ce dernier se retrouve accosté par une bande de pirates qui ne laissera qu’un survivant, un jeune Français, Tristan Deslandes, qui se verra finalement recruté par ces derniers. De cette rencontre découlera la découverte d’un autre monde ou chacun a sa voix, de nouveaux codes, de nouvelles lois. À la manière d’anarchistes contemporains, par le rejet de la société ces hommes et femmes en marge s’octroient leurs propres libertés. En attendant, la corde au cou, ces grands enfants jouent de leurs imaginations, créant un monde à leurs images, utopique. Aussi court soit-il se fantasme reste précieux voir vital. La mise en scène, par sa précision, se confond avec fluidité à la scénographie. Déferlante et fiévreuse, la scénographie est amovible, ainsi les comédiens se donnent un trait d’honneur à ce que tous les changements se fassent aux yeux de tous, dans une totale clairvoyance, sincérité. Le manipulateur manipule à vue, explicitant un souci de l’authentique pour un public à qui on dévoile tous les secrets des comédiens. Cette construction et déconstruction perpétuelle de l’espace créée un cycle, le cadre est constamment en implosion pour permettre la naissance de nouveaux lieux qui se régénèrent grâce aux décombres de l’ancien. Ce choix technique offre une urgence maîtrisée et tangible.

L’imagination et la créativité des comédiens deviennent le pivot de la pièce. Ce génie énergique offre au public un tremplin pour sa propre représentation sensible des événements. Les choses ne sont nullement imposées mais exposées et proposées dans une bienveillance et un souci de la liberté de chacun à pouvoir calquer son univers. Avec Paul Balagué la scénographie joue un rôle charnière et le public aussi. Nous sommes témoins mais aussi acteurs involontaires de part une immersion qui pousse au voyeurisme et à une présence qui pèse dans le récit. Ensemble nous subissons ce sentiment d’impuissance si caractéristique de l’époque dans laquelle nous baignons. Sentiment d’impuissance lié au devenir de notre société. L’intelligence ici a été d’éviter l’écueil de la moralisation pour essayer de proposer l’esquisse d’une solution utopique mais réalisable dans un futur où tout est à reconstruire. C’est pourquoi dans ce conte l’humanité s’empare de sa propre histoire et joue avec cette idée de chute, d’apocalypse. Ne pas renier cet événement qu’est l’effondrement mais s’en imprégner, le prendre au corps à corps et faire partie intégrante de cette partie de l’histoire.

Petit point stérile : la narration se disperse et prend le pas sur le fond de la pièce, ainsi nous nous laissons séduire mais la réflexion fondamentale et politique se perd dans le récit. Par ailleurs la simplicité poétique du jeu des comédiens est amenée avec finesse mais certains moments s’exacerbent et frôle le sentimentalisme. Néanmoins aucun des acteurs ne peut être remis en question, légitime au plateau et précis techniquement chacun brille à sa manière. Cela nous amène à un point capital : la cohésion du groupe. Rare sont ces comédiens que nous voyons réellement s’amuser et heureux de jouer ensemble, la complicité déborde. De manière inconsciente par leurs simples goûts de jouer le groupe incarne parfaitement cette idée de microcosme utopique et éphémère.

 

© Loïc Chabrier

 

 

Chroniques Pirates, la Compagnie en Eaux Troubles
Mise en scène Paul Balagué
Assistant mise en scène Damien Babikian et Zoé Lenglare
Lumière Lila Meynard
Scénographie Matthieu Le Breton
Musique Christophe Belletante
Costumes Zoé Lenglare et Marie Vernhes – Esther Genoux (stagiaire DMA)

Avec Lucas Dardaine, Sylvain Deguillame, Antoine Formica, Alexandre Molitor (reprise du rôle créé par Ghislain Decléty), Sandra Provasi, June van der Esch

 

Dès 14 ans
Durée 1 h 50

 

Du 6 au 14 janvier 2020

 

 

Théâtre de L’échangeur

59, avenue du Général de Gaulle
93170 Bagnolet

Réservation 01 43 62 71 20
www.lechangeur.org

 

 

 

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