Critiques // « Chien Chien » de Fabrice Roger-Lacan au Théâtre de l’Atelier

« Chien Chien » de Fabrice Roger-Lacan au Théâtre de l’Atelier

Oct 09, 2010 | Aucun commentaire sur « Chien Chien » de Fabrice Roger-Lacan au Théâtre de l’Atelier

Critique d’Ottavia Locchi

Une insolite retrouvaille

« Gentil, le chien chien ! » « Au pied chien chien ! » « Sois sage mon chien chien » … On n’imagine pas, au premier abord, les sublimes comédiennes Alice Taglioni et Elodie Navarre jouer au « chien-chien » sur scène. Pourtant, c’est ce que Fabrice Roger Lacan (l’auteur) et Jérémie Lippman (le metteur en scène) nous offrent au Théâtre de l’Atelier.

© DR

Lors d’un week-end de travail organisé, Linda (Alice Taglioni) reçoit Léda (Élodie Navarre), la femme d’un employé de son mari. En attendant l’arrivée de leurs conjoints, Linda joue impitoyablement de ce pouvoir hiérarchique et pousse nerveusement à bout l’autre jeune femme, qui craint pour l’avenir professionnel de son époux. Mais les deux femmes se connaissent, et ce depuis l’enfance. Linda était Adèle, la petite fille vilaine et disgracieuse de la classe : « Léda la belle, Adèle la laide » ! Se réveillent alors en Léda les jeux pervers et cruels qu’elle infligeait à son « amie », et la barbarie dont elle faisait preuve. Aujourd’hui, Adèle s’est métamorphosée en Linda, belle, épouse d’un homme de pouvoir et jouissant de sa position supérieure. Rien n’est oublié. Entre chantages et réparties cinglantes, une dynamique de rivalité s’installe entre les deux femmes. Le jeu de rôles a déjà (re)commencé.

Une pièce qui a du chien !

Quel régal de voir se chamailler les deux personnages ! La tension ne lâche jamais, elle nous agrippe, et nous force à suivre avec intérêt cet apéritif se voulant « aimable et courtois » qui tourne rapidement au règlement de compte. L’échange est acerbe à souhait, oscillant entre tendresse et cruauté.

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Tour à tour, elles vont nous subjuguer : Alice Taglioni, femme exubérante se montrant parfois à la merci de sa proie, profite d’un grand piano à queue, et nous fait ainsi cadeau d’une performance double : jouer en jouant ! Quand à Elodie Navarre, elle rectifie l’image de fille « discrète » qu’on lui a trop souvent attribuée et campe une jeune femme pincée se laissant dépasser par l’inimitié que lui inspire sa camarade. Entre les deux, c’est l’harmonie, chacune étant le contrepoids de l’autre.

On pourrait penser que le tout est un poil trop théâtral. De grands gestes, de grandes phrases, de grandes marches, de grandes voix et beaucoup de vagabondage sur scène nous renvoient au théâtre classique, ce qui pourrait paraître dommage dans une pièce se voulant moderne. Cependant, rien n’est véritablement gênant. Les comédiennes capturent l’espace avec agilité, elles parlent distinctement et rien ne peut nous échapper. D’autant plus que le plaisir des yeux est comblé, car toutes deux sont habillées avec élégance et suggestion.

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L’auteur, Fabrice Roger Lacan, commence sa carrière en tant que scénariste. Il écrit ainsi plusieurs scénarios pour le cinéma, mais c’est avec les pièces Cravate Club puis Irrésistible qu’il se fait connaître du public.
Jérémie Lipmann, le metteur en scène, est comédien de formation. Vous avez pu l’apercevoir au cinéma dans Jean de la Fontaine (D. Vigne) ou au théâtre dans L’Echange de P. Claudel (mise en scène Y. Beaunesne). Mais depuis 2006, c’est la mise en scène qu’il privilégie, et dirige ainsi pour la deuxième fois au Théâtre de l’Atelier (il avait mis en scène Hiver de J. Fosse en 2009). La scénographie qu’il nous propose contribue largement à l’éclat des deux comédiennes, et s’accorde à la stature du remarquable Théâtre de l’Atelier.

Plongés dans ce salon, le regard indiscret, nous sommes captivés par l’atmosphère de cette maison retirée. Entre masochisme, perversion et égarements, les deux comédiennes nous (et se) régalent.

Chien Chien
De : Fabrice Roger Lacan
Mise en scène : Jérémie Lipmann
Décor et costumes : Laura Léonard
Lumières : Jacques Rouveyrollis
Musique : Ours et Lieutenant Nicholson
Collaboratrice artistique à la mise en scène : Sandra Choquet

Du 28 septembre au 4 décembre 2010

Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin, 75018 Paris
www.theatre-atelier.com

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