© Mariano Barientos
fff article de Denis Sanglard
Cheb, chorégraphie de Filipe Lourenço ouvrait sur le grand plateau le Festival Paris l’été. Deux danseurs et deux musiciens en accordailles pour une remarquable et puissante création hybride, métissée, un dialogue pertinent, étincelant entre création sonore pointue, techno-pop, électro percussive matinée de musique du Maghreb et danses traditionnelles du Moyen-Orient, folkloriques et populaires, explorées dans ses caractéristiques singulières, le rituel, la possession et la réitération du geste, reprises dans un continuum lancinant et vite hypnotique lui offrant une formidable modernité, le projetant de facto dans la danse contemporaine. Après une longue introduction musicale où le rythme allant crescendo annonçait une emprise totale sur le spectateur, pris et captif dans les rets musicaux envoutants de François Caffenne et Nuri, les deux danseurs entrant en scène amorcent la danse par un mouvement de balancier traditionnel, d’abord ténu et concentré, émergeant lentement, développé progressivement, amplifié jusqu’à son maximum et son épuisement, sa métamorphose et son recommencement. Une danse qui s’enroule aussi sur elle-même, dans double mouvement giratoire, reprenant le cercle traditionnel et le tournoiement du derviche. D’un mouvement l’autre, tout s’enchaîne et s’accélère bientôt avec fluidité, sans heurt, naturellement. Répétitive et lancinante, jouant de cette répétition même, épousant le rythme intense des pulsations continues et martelées des percussions, contaminée par elles, ne faisant plus qu’une avec la partition qui s’impose et l’engendre, cette danse vite fascinante participe du cérémoniel et mène les danseurs à la transe. Kerem Gelebek et Youness Aboulakoul, subtilement accordés, un dédoublement à la symétrie parfaite, au diapason l’un de l’autre, semblant se nourrir de l’énergie de son partenaire, soutenue par elle, portent loin, très loin et jusqu’à leur propre exténuation, au réel, cette chorégraphie exigeante dans un double mouvement dynamique, entre maîtrise et lâcher-prise. Filipe Lourenço signe là une chorégraphie d’une modernité envoutante, d’une beauté prégnante dans sa radicalité, puisant sans paradoxe, en leur rendant hommage, dans la grande tradition ancestrale des danses moyen-orientales et dans son patrimoine musical indissociable, qu’il revigore et vivifie avec maestria sans les dénaturer.
© Mariano Barientos
Cheb, chorégraphie de Filipe Lourenço
Avec Youness Aboulakoul, Kerem Gelebek
MAO et composition : François Caffenne
Musique instrumentale et composition : Nuri
Assistante : Déborah Lary
Lumière et scénographie : Loren Palmer
Costumes : Khalid Benghrib et Loren Palmer
Vu le 3 juin 2024
Lycée Jacque Decour
12 avenue Trudaine
75009 Paris
Réservations : www.parislete.fe
Tournée :
14/11/2024 L’Arc, scène nationale du Creusot
10/12/2024 Le Quartz, scène nationale de Brest
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