ƒƒ article de Victoria Fourel

© Hadi Hirbodvash

Parler de soi, faire la cuisine, être une femme, être une mère, se battre ou non contre notre environnement. Le spectacle d’Afsaneh Mahian oscille entre réalité et théâtre pur, entre témoignage et morceaux de bravoure de comédiennes. A travers la parole d’une veuve de pilote d’avion, une alpiniste et une maîtresse de footballeur, c’est de tout l’Iran que l’on parle, de toute la condition féminine.

Avec une mise en scène sobre et très belle, on est happé par la langue persane et par le regard de chaque comédienne, qui entre monologue et partage, donne son histoire avec sensibilité et technique. Ce que l’on remarque d’emblée, autant dans le texte que dans le rapport à la scène, c’est la détermination laborieuse qui est peinte : elles diront leur histoire, elles iront au bout. La parole se renvoie entre les trois femmes, portée jusqu’à nous, dans cette langue inconnue. Aussitôt, on est pris par leurs présences et par leurs voix.

C’est aussi de cette prise de parole sans réel dialogue que viennent les premiers doutes. Il est parfois difficile de renouveler l’écoute, de créer l’accident, la réelle surprise. Une fois le temps de la rencontre avec ces trois personnages passé, on se pose la question du dynamisme. Les trois comédiennes qui manipulent les mots comme elles manipulent leur décor de cuisine tout au long du spectacle ne devraient-elles pas parfois sortir de ce cadre du quotidien, pour mettre un pied dans la folie et dans l’imaginaire ? Heureusement, leurs récits sont passionnants, et on est toujours rattrapé par le désir d’avoir le fin mot de l’histoire.

Ce qui étonne, aussi, c’est que malgré une immense part de lenteur et même de noirceur, il n’y a pas un temps mort. En parlant ou en écoutant parler, elles font la vaisselle, la cuisine, du rangement, elles se perdent dans le quotidien avant de reprendre la parole, plus forte, plus assumée encore. Ce qui pourrait être parasite, anodin, bruyant, devient admis, logique. Oui, tout ce qu’elles ont en tête peut ressortir à n’importe quel moment. Et même occupées, même cantonnées à un rôle, elles ont une vraie parole. Parole qui parfois se déchaîne, alors qu’elle paraissait sereine, parole qui pleure, qui regarde dans les yeux et qui suspend l’instant.

Chaque jour un peu plus
Texte Mahin Sadri
Mise en scène Afsaneh Mahian
Avec Setareh Eskandari, Elham Korda, Baran Kosari

Du 2 au 7 novembre 2015, à 20h30

Théâtre des Abbesses
31, rue des Abbesses – 75018 Paris
Métro Abbesses (ligne 12)
Réservation 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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