Critiques // Centaures, quand nous étions enfants, de Fabrice Melquiot, mise en scène Fabrice Melquiot, Le CENQUATRE-PARIS

Centaures, quand nous étions enfants, de Fabrice Melquiot, mise en scène Fabrice Melquiot, Le CENQUATRE-PARIS

Juin 08, 2019 | Commentaires fermés sur Centaures, quand nous étions enfants, de Fabrice Melquiot, mise en scène Fabrice Melquiot, Le CENQUATRE-PARIS

 

© Jeanne Roualet

 

ƒƒƒ Article de Sarah Kellal

Le quatre juin, Le CENTQUATRE-PARIS accueillait Centaures, quand nous étions enfants, de Fabrice Melquiot, pour une série de cinq dates, avant de poursuivre sa tournée à partir d’octobre prochain. Une plongée aux teintes oniriques puissantes dans l’histoire de Camille et Manolo, fondateurs du Théâtre du Centaure à Marseille. Ce lieu, unique, dans lequel mythe et réalité s’unissent, fait coexister l’homme et le cheval, « chacun moitié de l’autre. » « Parce qu’il est impossible, parce que c’est une utopie, le Centaure est pour nous une forme d’engagement. Un engagement qui nous pousse à inventer un théâtre qui n’existe pas, des formes différentes, un langage autre » nous disent Camille et Manolo.

Sur une scène sobrement et délicatement éclairée et scénographiée, leur histoire se dévoile à nous. La scénographie est léchée. Sobre, mais éclatante. Fabrice Melquiot se fait l’architecte d’une création biographique hybride. Au travers de la projection d’images et de vidéos d’archives de Camille et Manolo, de paroles, de souvenirs, de silences, de mouvements, ils se racontent. Nous sommes immergés dans leur enfance et dans ses recoins, d’où leurs trajectoires se dessinent déjà. Centaures, quand nous étions enfants est une plongée dans la genèse des rêves qui fonderont l’accomplissement futur. L’enfance comme lieu et temps des premiers désirs, des premières déterminations. Sont à souligner la très belle création photographique de Martin Dutasta ainsi que la belle lumière de Jean-Marc Serre, qui nous plonge dans une pénombre percée de douces lumières.

À leurs côtés, Indra et Gaia, superbes chevaux, habitent le plateau de leur présence animale et mystérieuse, comme sortis d’un rêve. Leurs robes noir ébène virevoltent, leurs souffles éventent l’air. Gracieux autant que robustes, ils confèrent une dimension picturale impressionnante à la performance. Et quelque chose d’unique se produit. Les hommes et les animaux dialoguent, se touchent, se hument, s’accompagnent. Égaux. Un lien très fort et unique les unis, quasi charnel, et semble se tisser entre eux un langage que nous ne connaissons pas. Pourtant, au loin, en nous, un espace s’éveille… La reconnaissance de ce qui nous fonde ? « Nous sommes tous des animaux. Des animaux prodigieux. Remontés depuis la nuit des temps. Nous sommes des bêtes. Assoiffées de nuit et/ou de sang, et nous hurlons notre désir de vivre. » nous dit Camille. Les quatre êtres se prolongent les uns les autres, à l’image de leurs noms qui s’agrègent eux aussi : Camille et Manolo ont abandonné leurs noms de famille pour les remplacer par le nom de leur moitié. Ainsi, Camille devient Camille-Gaia et Manolo, Manolo-Indra. C’est une véritable réinvention de la filiation qui s’opère de façon troublante, et qui vient bousculer tous nos codes.

Les mémoires se racontent, se souviennent. Les protagonistes enfants apparaissent sur l’immense l’écran, qui devient une dimension supplémentaire d’où la mémoire peut émerger. Un père, une mère, un sourire, un mouvement jaillissent. Les temporalités se multiplient, renforcées par les nombreuses voix off d’âges différents qui créent elles aussi une multiplication des couches mémorielles. Naît alors un véritable temple de l’enfance, cartographie des paysages intérieurs. Les archives deviennent personnages et ouvrent le champ du regard autant que le champ de l’imaginaire. Il est très émouvant de voir le duo se regarder plus jeune en même temps que de les voir dans l’ici et maintenant. Mise en abyme troublante… Renforcée par le fait qu’ils se racontent l’un l’autre en se faisant les vecteurs de l’histoire de l’autre, par l’emploi du « tu » qui confère au récit une dimension poétique et émotionnelle intense. Ce « tu » semble devenir un « je. » Les deux enfances s’emmêlent, se chevauchent, pour ne former qu’une seule et même histoire, et c’est aussi là une des forces de l’écriture.

Fabrice Melquiot, ici biographe-metteur en scène, fait du plateau, avec beaucoup de douceur et d’admiration, l’endroit de la révélation d’une intimité rare, douce, et non dénuée de légèreté. Car nous rions aussi, beaucoup. Les quatre comparses sont facétieux, tels des enfants, intacts.

« Quand je serai grand, je serai un château, avec des artistes et des chevaux » La parole de Manolo enfant est devenue réalité, et les centaures existent.

 

© Jeanne Roualet

 

 

Centaures, les enfants que nous étions, de Fabrice Melquiot

Texte et mise en scène : Fabrice Melquiot

Assistante à la mise en scène : Mariama Sylla

Chorégraphie équestre : Camille& Manolo

Avec : Camille&Manolo, Indra (pure race espagnole) & Gaïa (frison)

D’après l’histoire véritable de Camille&Manolo

Création sonore et musicale : Nicolas Lespagnol-Rizzi

Création photographique : Martin Dutasta

Création lumière et régie : Jean-Marc Serre

Régie plateau : Sylvain Vassas Cherel et François-Xavier Thien

Conseil vidéo : Gabriel Bonnefoy

Et les voix de : Elsa Scholler, Timeo Bonnano, Lua Gaggini, Laurent Schefer, Christiane Suter, Claude Thébert

 

 

À partir de 7 ans

Durée approximative de 50 minutes

 

 

Le CENTQUATRE-PARIS

5 rue Curial

75019 Paris

 

Réservation : 01 53 35 50 00

www.billetterie.104.fr

 

Métro 7 Riquet

Bus 54 et 60 Crimée, Curial

RER E ou Tram 3B Rosa Parks

 

TOURNEE :

10-12 octobre 2019 : TEAT Champ Fleuri, théâtres départementaux de La Réunion – Ile de La Réunion (974)

17-21 décembre 2019 : La Rose des Vents – Villeneuve d’Ascq (59)

26-29 février 2020 : Théâtre de Sénart, Scène Nationale-Melun Sénart (77)

26 et 27 mars 2020 : La Filature – Mulhouse (68)

29 et 30 mars 2020 : Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines (78)

 

 

 

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