Critiques // « Ce qui arrive et ce qu’on attend » de Jean-Marie Besset, mise en scène Arnaud Denis

« Ce qui arrive et ce qu’on attend » de Jean-Marie Besset, mise en scène Arnaud Denis

Août 27, 2010 | Aucun commentaire sur « Ce qui arrive et ce qu’on attend » de Jean-Marie Besset, mise en scène Arnaud Denis

Critique de Bruno Deslot

Toujours en équilibre !

Dans un cabinet ministériel, une commission doit décider qui sera le premier architecte à construire un monument sur la lune. La tension monte, les intrigues sont nombreuses et l’attente perdure…

Derrière une porte fermée, un jury délibère pendant que deux architectes s’impatientent. Les conjectures se font nombreuses et trahissent le malaise qu’impose ce genre d’exercice, suscitant l’attente et par là-même une vision fantasmée de notre existence objectivant un narcissisme exacerbé mais tellement rassurant dans une situation plaçant les protagonistes dans un équilibre fragile et incertain. Philippe Derrien, jeune architecte au talent avéré, intègre et passionné, trépigne sur le banc des accusés non loin de Robert Lebret, architecte imposant une certaine maturité, une déception amère à propos de sa carrière que le génie ne caractérise pas. Tous deux dessinent des horizons semblant s’opposer et pourtant en situation d’attente ils expriment tous les obstacles à franchir afin d’accéder à leurs désirs ! Dès lors, une arithmétique de l’improbable s’esquisse et avec elle, les dénominateurs communs d’une équation assez complexe. Nathalie, la jeune épouse de Philippe, le soutient dans ce concours d’architecture, cherchant par tous les moyens à faire tenir leur mariage. Il y a aussi Jason, l’ami d’enfance du jeune architecte qu’il n’a jamais cessé d’aimer. Niels, un personnage élégant et raffiné, observant son entourage avec cynisme, cherchant à déstabiliser les sensibilités les plus égarées. Dans ce castelet à taille humaine, il y a aussi celle qui tire les ficelles des marionnettes qu’elle met en scène et sur lesquelles elle exerce un pouvoir de décision : Louise Erkanter, le Ministre.

Une galerie de personnages levant le voile sur des caractères et toute leur complexité dans leurs rapports aux autres et à eux-mêmes, une douleur parfois déchirante entre ce qui arrive vraiment et ce que l’on en attendait !

Ce que l’on attend et qui n’arrive pas !

Après une mise en scène des Femmes savantes, donnée la saison dernière au Théâtre de Paris, Arnaud Denis poursuit, semble-t-il, son désir d’embrasser une forme de contemporanéité qu’il avait déjà tenté avec Molière mais sans grand succès. Avec un auteur aussi controversé que Jean-Marie Besset depuis sa nomination au CDN de Montpellier, on est à peu près sûr d’intéresser un public curieux en proposant de monter l’une de ses pièces au théâtre. Après R.E.R, qui a fait un four à la Tempête la saison dernière, on ne peut que se laisser séduire par une envie de redécouvrir Ce qui arrive et ce qu’on attend, d’autant que cette pièce n’avait pas été montée depuis 1988. Une comédie grinçante avec juste ce qu’il faut de répliques piquantes pour donner vie à des personnages d’une complexité apparente que les situations du quotidien trahissent malgré tout. Peut-on parler d’univers beckettien parce que les personnages de la pièce se rattachent à ce qui les fait vivre, c’est-à-dire l’attente ? D’un Huis Clos à la manière de Sartre parce que les personnages se retrouvent dans un espace où les marges de manœuvres sont limitées et conditionnées par le choix des autres ? L’auteur ne manque pas d’idées et les nourrit avec générosité mais il y a toujours des manques qui donnent à l’ensemble de la partition des dissonances pour laquelle le musicien ne maîtrise pas toutes les gammes ! Malgré des dialogues plein de tact et de finesse, on n’en retient pas grand chose ! Tout comme de la mise en scène, plaquée et scolaire, rendant le contenu du propos trop lisible et du coup prévisible. Passons sur les fautes de goût d’un décor digne d’une série B, comme ce canapé design planté au milieu de la scène pour incarner l’intérieur branché de Niels ou encore ces musiques gay friendly permettant d’enchaîner les scènes pendant que les comédiens changent les décors ! Quelques fantaisies tout de même histoire de justifier sa subvention comme ces assises carrées qui sortent du mur chaque fois que les architectes se retrouvent dans l’attente d’une décision ministérielle. Ou ce bureau sur lequel Louise Erkanter, cuisses généreusement ouvertes, accueillent le vieux percheron qui peine à se situer dans la course au projet architectural ! Ou encore cette manière franche et virile avec laquelle Jason saisit le chibre timide du jeune Philippe ! L’ensemble est poussif et d’une extraordinaire vacuité. On comprend bien qu’Arnaud Denis veuille nous faire comprendre que les personnages sont d’une extrême complexité, dans une attente forcément non maîtrisée et fatalement frustrante, mais après ? Un manque de rythme évident qui fait l’effet d’un pétard mouillé dès lors que les comédiens entrent en scène et pourtant, tous sont d’une grande justesse et l’on pressent chez chacun d’entre eux un réel potentiel artistique, du tempérament et de la détermination à mener d’un bout à l’autre du plateau, un texte bancal structuré par une mise en scène qui ne prend aucuns risques et ne fait preuve d’aucune inventivité.

Ce qui arrive et ce qu’on attend
De : Jean-Marie Besset (Ed. Actes Sud)
Mise en scène : Arnaud Denis
Avec : Virginie Pradal, Arnaud Denis, Blanche Leleu, Adrien Melin, Jonathan Max-Bernard, Niels Adjiman, Jean-Pierre Leroux,
Assistant à la mise en scène : Quentin Menard
Décors : Edouard Laug
Lumières : Laurent Béal
Création vidéo : Elodie Maillard

Du 25 août au 31 octobre 2010
Vingtième Théâtre
7 rue des Plâtrières, 75 020 Paris
www.vingtiemetheatre.com

Du 5 novembre 2010 au 8 janvier 2011
Théâtre du Petit Montparnasse
31 rue de la Gaîté, 75 014 Paris
www.theatremontparnasse.com

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