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Cabaret brouillon, chorégraphie de Loïc Touzé, à La Cartoucherie / festival June Events

Juin 02, 2024 | Commentaires fermés sur Cabaret brouillon, chorégraphie de Loïc Touzé, à La Cartoucherie / festival June Events

 

© Luc Depreitere

ƒƒ article de Denis Sanglard

Loïc Touzé fait son cabaret. Lui aussi. Avec six drôles de zèbres, olibrius impavides et nonchalants cultivant un art de la présence espiègle, dans un décor dépouillé de tout, juste trois pauvres pendrillons et une minuscule scène, il interroge la forme cabarettiste, actuellement en pleine mutation, dans ce qu’elle a de plus pauvre et radicale, réduit ici à la danse, au geste et à la parole poétique, empruntant aux années d’avant-guerre un répertoire qu’il réinterprète à sa façon, élaguée de toute scorie, question aussi d’interroger son propre travail, d’y trouver un second souffle performatif. C’est brouillon oui, cela tient de l’expérimentation avec cette fragilité propre au cabaret, où rater et rater mieux, antienne beckettienne, participent du processus. Cela tient un peu de l’inventaire à la Prévert où l’on reconnait les figures fantomatiques incontournables qui révolutionnèrent le genre à commencer par Valeska Gert, figure emblématique de l’expressionisme allemand. Mais au-delà, Loïc Touzé et ses acolytes complices, repensent la relation avec le spectateur que le cabaret permet, c’est dans son A.D.N, qu’il déstabilise par le choix d’une forme brute, comme il y a l’Art Brut, où le corps en liberté n’a d’autre partition chorégraphique qu’une écriture automatique propre au surréalisme… où les mouvements, qu’ils soient ébauchés, gauches ou élaborés, prennent source dans les différentes disciplines propre au cabaret ou au music-hall. Une combinaison de burlesque, de strip-tease, de mime, de danse de salon, de slapstick, de marionnettes, de cirque, de folklore… bien secouée, rabotée et mâtinée d’insolence et d’incongruité, d’audaces informelles dans leur entreprise de déconstruction du genre réduit à son plus simple appareil, sa plus élémentaire expression, voire émancipé de ses racines et comme libérés de toute contraintes esthétiques. Une liberté propre au cabaret sans souci ici du résultat. Que l’on retrouve aussi dans la récitation de poèmes et d’aphorismes, ou encore le chant de petites ritournelles, ponctuations distillées, énoncées avec le plus grand sérieux, comme tout le reste d’ailleurs où chacun semble convaincu mordicus de ce qu’il fait avec tant d’application. C’est justement dans cette distorsion joyeuse et absurde entre le risque du ridicule apparent des propositions, parfois grotesques ou clownesques, et cette application à le faire au mieux qui donne tout le sel et le poivre de cette représentation. Ce qui peut ressembler à du n’importe quoi, pour ne pas dire du foutage de gueule, n’est en fait que qu’une proposition largement ouverte et généreuse, subtile même, ou peut s’engouffrer l’imaginaire, la poésie, le rien. Le vide et le plein. C’est foutrement bien pensé qui interpelle le spectateur, dubitatif il est vrai devant cette objet cabarettiste non identifié, qui l’oblige à repenser, interroger sa relation et ses attentes avec la performance et ses acteurs se déroulant devant lui, performance destabilisante au regard de l’ordinaire attendu du cabaret. On peut simplement regretter, péché véniel et compréhensible, que tout à son affaire et dans sa jubilation, Loïc Touzé explorant son objet jusqu’à son épuisement ne le prolonge plus que de raison au risque de lasser son auditoire pourtant coopératif.

 

 

Cabaret Brouillon, chorégraphie de Loïc Touzé

Cie ORO

Avec : Laurent Cebe, Maëlle Gozlan, Héléna de Laurens, David Marques, Johann Nöhles, Lina Schlageter

Vu le 1er juin 2024

 

Festival June Event

La Cartoucherie

Route du champ de manœuvre

75012 Paris

 

Réservation : 01 41 74 17 07

www.atelierdeparis.org

 

 

 

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