Critiques // « Ça ira (1) Fin de Louis », de Joël Pommerat au Théâtre de Nanterre-Amandiers

« Ça ira (1) Fin de Louis », de Joël Pommerat au Théâtre de Nanterre-Amandiers

Nov 12, 2015 | Commentaires fermés sur « Ça ira (1) Fin de Louis », de Joël Pommerat au Théâtre de Nanterre-Amandiers

ƒƒƒ article de Florent Mirandole

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Comment le clergé en est venu à voter la nationalisation des biens de l’Eglise ? Comment la noblesse a accepté de siéger dans une même assemblée que le tiers-état ? Pendant 4h20 le metteur en scène Joël Pommerat nous plonge dans l’atmosphère incandescente des premiers mois de la Révolution Française. Les oppositions entre le tiers-états et la noblesse, entre Montagnard et Girondins, s’avèrent être les moteurs de la pièce. Le spectacle progresse ainsi au gré des évènements historiques, on reconnaît facilement le renvoi de Necker ou la prise de la Bastille. Ce n’est toutefois pas la véracité historique qui semble avoir intéressé le metteur en scène. A aucun moment les noms des protagonistes de l’époque ne sont cités, à l’exception du roi lui-même. Cette abstraction dans laquelle baignent les débats permet de mieux souligner les oppositions fondamentales qui structuraient la société de l’époque, de souligner deux conceptions de la France antagonistes. Mais loin des discours politiques interminables que l’on pourrait craindre, « Ça ira (1) Fin de Louis » se révèle une pièce fascinante sur la politique et sa mécanique.

Le metteur en scène fait tomber ces craintes dès les premières minutes. Sur une scène sombre, quasi-nue, un homme prononce un discours sur la nécessité de la réforme. Dès les premiers mots une sourde agitation agite le public. Très vite les invectives et les indignations pleuvent. Répartis dans toute la salle, les comédiens saturent très vite l’espace par leurs cris et leur présence. Le spectateur, plongé au milieu du bouillonnement révolutionnaire est emporté par les débats. Pour un peu on voudrait y participer. Quelques spectateurs finissent d’ailleurs par applaudir les discours les plus convaincants. Grâce à la progression rapide des échanges et la fluidité des changements de décors, la tension ne redescend à aucun moment. Le contraste est d’autant plus frappant avec les apparitions du roi. Falot et hésitant, seul au milieu d’un décor subitement devenu gigantesque, Louis XVI apparaît rapidement dépassé par le tempo imprimé par les révolutionnaires. Il faut ici souligner la justesse d’Yvain Juillard, qui incarne à la perfection ce roi emporté par une histoire qu’il croit maitriser jusqu’au bout.

La richesse du matériau historique et la virtuosité de la mise en scène participent évidemment à porter le spectacle. Pourtant la fascination exercée par « Ça ira (1) Fin de Louis » va bien au-delà. La pièce semble souligner au final que les oppositions politiques qui structurent encore aujourd’hui nos débats ont trouvé leur origine autant dans des raisonnements et des programmes que sur des passions, des calculs et des malentendus. C’est finalement un regard ironique que pose le metteur en scène sur la politique avec un grand P, en rappelant la perméabilité de la frontière entre grande et petite histoire.

« Ça ira (1) Fin de Louis » de Joël Pommerat
Scénographie et lumières Éric Soyer
Costumes et recherches visuelles Isabelle Deffin
Son François Leymarie, Grégoire Leymarie
Dramaturgie Marion Boudier
Collaboration artistique Marie Piemontese, Philippe Carbonneaux
Assistante à la mise en scène Lucia Trotta
Conseiller historique Guillaume Mazeau
Direction technique Emmanuel Abate
Construction des décors Thomas Ramon, Artom et les ateliers de Nanterre-Amandiers
Régie lumière Julien Chatenet, Gwendal Malard
Régie son Grégoire Leymarie
Régie plateau Jean-Pierre Costanziello, Mathieu Mironnet, Pierre-Yves Le Borgne
Habilleuses Claire Lezer, Siegrid Petit-Imbert, Lise Crétiaux

Du 4 au 20 novembre 2015

Avec
Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat, Éric Feldman, Philippe Frécon, Yvain Juillard, Anthony Moreau, Ruth Olaizola, Gérard Potier, Anne Rotger, David Sighicelli, Maxime Tshibangu, Simon Verjans, Bogdan Zamfir

Nanterre-Amandiers
7, avenue Pablo Picasso – 92022 Nanterre Cedex
réservations 01 46 14 70 00 du mardi au samedi, de 12h à 19h
www.nanterre-amandiers.com

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