À l'affiche, Critiques // Bon voyage, Bob, texte, mise en scène et chorégraphie d’Alan Øyen, Tanztheater Wuppertal Pina Baush, au Théâtre de Chaillot-Théâtre de la Ville Hors les murs

Bon voyage, Bob, texte, mise en scène et chorégraphie d’Alan Øyen, Tanztheater Wuppertal Pina Baush, au Théâtre de Chaillot-Théâtre de la Ville Hors les murs

Juil 01, 2019 | Commentaires fermés sur Bon voyage, Bob, texte, mise en scène et chorégraphie d’Alan Øyen, Tanztheater Wuppertal Pina Baush, au Théâtre de Chaillot-Théâtre de la Ville Hors les murs

 

© Meyer Originals

 

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Une création d’une infinie tristesse, d’une douce cruauté. Le temps ici est aboli, n’existe plus. La pendule est arrêtée. Une chorégraphie d’une grande mélancolie, toute entière habitée par la mort. Bon voyage, Bob… résonne comme un adieu. À Pina Bausch qui n’aurait sans doute pas renié ce dernier opus du Tanztheater de Wuppertal 10 ans après sa disparition. Mais si Pina Bausch traverse cette œuvre c’est par la grâce de ses interprètes, cette troupe exceptionnelle dont les anciens sont pour la plupart présents ici, qui avec une incroyable générosité ont partagé sans retenue leur expérience unique, tout en le laissant absolument libre, avec Alan Lucien Øyen, jeune chorégraphe norvégien. Ce geste devenu nécessaire et de même audacieux après 10 ans de reprises d’œuvres emblématiques ouvre de nouveaux horizons, donne une nouvelle impulsion, une nouvelle énergie à cette compagnie qui dans la continuité de leur travail initiée par Pina Bausch lui donne l’assurance, au vu de ce résultat bouleversant à plus d’un titre, d’un avenir qu’on espère pérenne. Le changement dans la continuité. La forme est là, si reconnaissable, mais quelque chose a d’ores et déjà bougé. C’est indéfinissable mais ce frémissement indicible traversait magnifiquement le plateau de Chaillot et vous bouleversait.

La mort donc pour parcourir l’intime et l’universel. Ce qu’elle révèle en nous, ce qu’elle met à nu. Une œuvre entre réalisme et poésie, entre théâtre et danse. Les dialogues, nombreux, sont déchirés par la danse quand les mots viennent à manquer. Saga familiale ou polar, roman d’espionnage, ne subsistent que des bribes éparses, des confidences, des confessions. Tout est fragmenté, diffracté… ne cesse de se superposer avant de se quitter et de se retrouver. Nous sommes dans un étrange entre-deux feutré et d’une infinie douceur qui semble suspendre les confidences, les émotions et les corps, comme saisis par la disparition brutale, inouïe d’un être aimé. Le temps même de la représentation semble se contracter, se concentrer. À peine quelques éclats de voix, aussitôt retenus. Pièce narrative, impressionniste, très cinématographique aux décors réalistes, couleurs passées et papiers muraux déchirés, meubles et murs mouvants que déplacent les danseurs et qui ne cessent de redéfinir l’espace. Théâtre ou studio de cinéma on ne sait plus, la frontière est ténue. C’est un monde flottant ancré par la parole et la danse, hantées par la perte irrémédiable. Les images sont éblouissantes, prégnantes, qui creusent avec obstination non sans humour noir parfois  ce thème si sensible. Image d’une simplicité confondante, si juste, mais qui contiennent tant d’humanité qu’on ne peut être que bouleversé. Et rien de morbide pourtant, seulement le sentiment, la douleur de la perte, la fragilité des êtres devant l’irrémédiable, la douceur même dans l’acceptation de ce qui advient. Et ça et là dans cette chorégraphie si réussie et si forte, et comme par douce effraction mémorielle, se glissent quelques souvenirs emblématiques, un ange enveloppé d’un imperméable, des questions posées comme Pina Bausch les posait à ses danseurs, des escarpins jetés sur une danseuse, de la terre versée sur une autre… autant d’échos de pièces précédentes appartenant à la mythologie du Tanztheater. Rien de nostalgique mais le signe discret d’une permanence, d’un hommage. Alan Lucien Øyen, a mis ses pas dans ceux de Pina Bausch mais a su imposer son propre univers, épaulé avec attention et générosité par l’ensemble des interprètes de Pina Bausch, anciens et nouveaux, lesquels se sont glissés sans heurt dans cette nouvelle proposition qu’ils se sont superbement appropriés tout en demeurant eux-mêmes, fort de leur histoire individuelle et collective au sein de la compagnie. Un exercice délicat d’équilibre entre mémoire et renouveau mais une réussite incontestable. Et pour les spectateurs la même émotion, toujours.

 

© Laszlo Szito

 

Bon voyage, Bob, texte, mise en scène et chorégraphie Alan Lucien Øyen

Décor Alex Eales

Costumes Stine Sjøgren

Collaboration artistique Daniel Proietto, Andrew Wale

Son Gunnar Innvaer

Lumières martin Flack

Assistante costumes Anna Lena Dresia

Directeur de répétition Daphnis Kokkinos

Assistante du directeur de répétition Bénédicte Billiet

Avec Regina Advento, Pau Aran Gimeno, Emma Barrowman, Rainer Behr, Andrey Berezin, Cagdas Ermis, Jonathan Fredrickson, Nayoung Kim, Doglas Letheren, Nazareth Panadero, Helena Pikon, Julie Shanahan, Christopher Tandy, Stephanie Troyak, Aida Vainieri, Tsai-Chin Yu

 

 

Du 29 juin au 3 juillet 2019 à 19h30

 

 

Théâtre National de la Danse / Chaillot

Place du Trocadéro

75008 Paris

Réservations 01 53 65 30 00

www.theatre-chaillot.fr

 

Théâtre de la Ville

Réservations 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

 

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