Critiques // Bohème, notre jeunesse, d’après Giacomo Puccini, mise en scène de Pauline Bureau

Bohème, notre jeunesse, d’après Giacomo Puccini, mise en scène de Pauline Bureau

Juil 20, 2018 | Commentaires fermés sur Bohème, notre jeunesse, d’après Giacomo Puccini, mise en scène de Pauline Bureau

© DR Pierre Grosbois
 

ƒƒ Article de Corinne François-Denève

 

Scènes de la vie de bohème, puis La Bohème, ou La Vie de bohème, et enfin ce Bohème, notre jeunesse. Des esquisses de Murger, déjà adaptées par Puccini, Pauline Bureau et Marc-Olivier Dupin présentent une version personnelle, pensée comme universelle (« notre »), et résolument axée sur l’âge tendre des héros (« jeunesse »). Mimi et Rodolphe, la vingtaine, s’aiment donc d’amour tendre, dans un Paris qui se modernise. Ils vivent d’amour, d’eau sans doute pas toujours fraîche, et surtout de rêves et d’espoirs. Ils sont artistes, aussi – peintres, musiciens, écrivains, cultivateurs d’illusions pas encore perdues (le programme les présente comme de « jeunes actifs » : reviens, Murger, ils sont devenus fous).  Petite fleur de Paris, qui brode et coud, Mimi est idéaliste et fidèle. Musette est son exact contraire, femme fatale qui envoûte les hommes. Mimi tousse et crache, il n’y a pas de fin heureuse pour les petites grisettes qui se meurent dans les mansardes des poètes maudits – Pauline Bureau dit avoir été fascinée par le « vérisme » de l’opéra de Puccini, qu’elle dit proche de la démarche documentaire qu’elle a pu mener, par exemple, avec l’affaire du Mediator, dans Mon cœur.

L’ambition de Pauline Bureau et de Marc-Olivier Dupin était de présenter un opéra « abordable », tout public, destiné même aux spectateurs qui n’auraient pas les codes de la musique dite « grande ». La forme, proposée comme « légère » et « dynamique » est donc singulièrement condensée : une heure trente pour faire vivre et mourir Mimi, de son premier chant de présentation (« Oui, on m’appelle Mimi ») à son chant du cygne – la reprise déchirante du même air. Une heure trente donc pour narrer les amours de Mimi et Rodolphe, la jalousie de celui-ci, la maladie de celle-là, la générosité inattendue de la belle Musette, la douleur des amis – Colline, Schaunard… – que l’on a juste croisés.

Cette « petite forme » a ses beautés : celle de l’orchestre, en particulier, resserré comme en formation de chambre, et qui a pratiqué une certaine opération alchimique sur la partition originale – on se gardera de s’avancer plus avant dans les analyses, mais Marc-Olivier Dupin sait trouver, dans le programme toujours, des mots passionnants pour décrire son travail. Côté histoire, on n’a point le temps de s’attarder, de nuancer. « Oui, je t’aime », elle tousse, elle tousse, et pan : elle est morte. Ou plutôt : elle se meurt. L’agonie en effet sera longue mais douce ; le tempo final tranche avec la brièveté de l’histoire qui a précédé. Pendant cette heure trente, les belles images se succèdent, du gris des décors au chromatisme primaire et naïf des costumes – le vert de Musette, le rose de Mimi. La ligne droite court vers son inexorable fin – une « Love Story » au temps d’Eiffel et au tragique efficace. On aurait peut-être aimé que le temps prenne son temps, le temps d’aimer « toutes ces choses/Dont le charme caresse/Qui vous parlent d’amour, de printemps, de jeunesse/Qui sont chimère, et songe, et fantaisie/Ce qui pour vous s’appelle poésie ! » – tout ce qui fait la « folie » de Mimi.

 

© DR Pierre Grosbois

 

Bohème, notre jeunesse, d’après Giacomo Puccini

Adaptation, traduction et mise en scène  Pauline Bureau

Adaptation musicale  Marc-Olivier Dupin​

Direction musicale  Alexandra Cravero

Décors  Emmanuelle Roy

Costumes  Alice Touvet

Lumières  Bruno Brinas

Vidéo  Nathalie Cabrol

Dramaturgie  Benoîte Bureau

Collaboratrice artistique à la mise en scène  Cécile Zanibelli

Chef de chant  Marine Thoreau La Salle

 

Avec  Sandrine Buendia, Kevin Amiel, Marie-Eve Munger, Jean-Christophe Lanièce, Nicolas Legoux, Ronan Debois, Benjamin Alunni, Anthony Roullier

Orchestre  Les Frivolités Parisiennes

 

Durée  1 h 30

Du 9 au 17 juillet 2018

 

Opéra Comique, Salle Favart

1, place Boieldieu, 75002 Paris

 


Tournée :

Suresnes, Théâtre Jean Vilar, mardi 16 et mercredi 17 avril 2019, 21h

Bastia, Théâtre municipal, jeudi 9 mai 2019, 20h30

Versailles, Théâtre Montansier, jeudi 16 et vendredi 17 mai 2019, 20h30

Opéra de Rouen, novembre 2019

 

 

 

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