© Jean-Claude Carbonne
Article de Nicolas Brizault
Oui, on savait que Preljocaj disait « De même que Dostoïevski, j’aime à m’affronter à ce qui me dépasse. » Oui, toute simple comparaison. Après les deux spectacles présentés la semaine d’avant, Still life et Helikopter, plus récents, se faire une bonne idée de son travail était une chance, et Blanche Neige, créée en 2008 et présentée à la Villette ce soir-là, une bonne nouvelle.
Eh bien non. Plutôt une succession de désintérêts, avec quelques mouvements permettant tout de même de ne pas voir le temps passer. La mère de Blanche-Neige va accoucher et mourir. Elle manque de se casser la figure deux fois en se prenant les pieds dans son voile. Mauvais signe, pas pour Blanche-Neige mais pour nous, spectateurs.
Des costumes de Gaultier ? Oui, mais rien d’éblouissant, aucune surprise. Ceux de la méchante reine, oui, plus amusants, SM chic mais de loin, de très loin. De la musique de Mahler ? On aurait pu imaginer une chance « retournante » mais là on constate simplement une musique décevante, parce que semblant sortir avec grande difficulté d’un vieux poste de radio, pourtant mis à fond.
Tout est bien organisé. Les scènes, les unes après les autres, racontent cette histoire que l’on connaît si bien que, déjà en 2008, on a dû aller en courant voir celle stupéfiante – enfin – de Preljocaj. Pas la peine, c’est la même. Pas d’éclats, d’éblouissements. On danse bien comme il faut puis on passe à l’épisode suivant. Sagesse décevante sur scène et ennui bien assis sur les gradins en face. Les nains jaillissants de leur falaise mystérieuse redonnent un peu de force et d’élan, et l’on oublierait presque le miroir géant, plat, pas vide mais c’est comme si, de la reine qui s’y regarde, comme nous le matin dans nos salles de bains. Elle sans grâce et plongée dans une répétition lassante. Lassants et plats sont aussi les ballets autour du roi et de sa fille, jeunette encore ou bien descendue de son tombeau translucide. Et de quelle façon ! Le joli prince en arrache mollement la plus belle du royaume, lui marche dessus, essaie de nous faire penser à de la magie, ou pire encore, à de la danse contemporaine de grande qualité. C’est raté. Ce serait plutôt une publicité pour un lave-vitre plus ou moins efficace au lieu de sensualité, de charme, de conte historique.
On est toujours là. Preljocaj va enfin nous surprendre et pour la fin nous éblouir, nous sauver de cet académisme très souvent sans relief. Non. Une précipitation légumière, toujours sur du Mahler inaudible. Du baragouinage dansé. Malheureusement pas une nouveauté, nous étions trop optimistes. C’est comme si Preljocaj se disait qu’il fallait terminer, ne pas dépasser deux heures, alors tant pis, on mixe, on ne s’élance pas, on se surprend pas. Voilà, c’est fini. La plus énorme surprise : des applaudissements surdimensionnés. On n’en revient pas.
Blanche-Neige, d’Angelin Preljocaj, création 2008, pièce pour 24 danseurs
Chorégraphie Angelin Preljocaj
Costumes Jean Paul Gaultier
Musique Gustav Mahler
Musique additionnelle 79 D
Décors Thierry Leproust
Lumières Patrick Riou assisté de Cécile Giovansili-Vissière et Sébastien Dué
Danseurs Mirea Delogu, Redi Shtylla, Cecilia Torres Morillo en alternance avec Anna Tatarova, Sergi Amoros Aparicio, Agnès Girard, Margaux Coucharrière, Manuela Spera, Dominic Bisson, Virginie Caussin, Aurélien Charrier, Fabrizio Clemente, Verity Jacobsen, Fatima López Garcia, Théa Martin, Joséphine Meunier, Igli Mezini, Amélie Olivier, Simon Ripert, Calvin Rüth, Fran Sanchez, Antonello San Girardi, Aaron Smeding, Alexandre Tondolo, Suzanne Jeammet / Nel Esposito
Assistant, adjoint à la direction artistique Youri Aharon Van den Bosh
Assistante répétitrice Cécile Médour
Choréologue Dany Lévêque
Conseiller acrobaties verticales Alexandre del Perugia
Réalisation décor Atelier Atento
Réalisation costumes Les Ateliers du Costumes
Du 05 au 08 juillet 2018 à 20h30
La Villette
211 avenue Jean Jaurès
75935 Paris
T+ 01 40 03 75 75
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