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Berlin Berlin de Patrick Haudecoeur et Gérald Sibleyras, mise en scène de José Paul, Théâtre Fontaine

Fév 21, 2022 | Commentaires fermés sur Berlin Berlin de Patrick Haudecoeur et Gérald Sibleyras, mise en scène de José Paul, Théâtre Fontaine

ƒƒƒ article de Corinne François-Denève

Après des pièces centrées sur le milieu du théâtre ou du cinéma (Thé à la menthe ou t’es citron ?, Silence on tourne !), et des incursions dans les établissements de cure (Frou-Frou les Bains), voici que Patrick Haudecœur, ici flanqué de Gérald Sibleyras, s’attaque au drame historique. L’action se passe à Berlin Est. Emma et Ludwig sont jeunes et beaux (surtout elle). Ils rêvent d’un avenir meilleur, qui ne peut être que de l’autre côté du mur. Coup du destin : l’aide-soignante de la vieille mère de Werner Hofmann, qui a la grande qualité d’habiter pas loin d’un tunnel, a un bête accident. Emma va s’introduire chez elle, Ludwig creusera, la lumière est au bout. Certes, Werner est agent de la Stasi. Mais quand on s’aime, et qu’on aime la liberté…

Berlin Berlin est un parfait « mash-up » entre la Vie des autres et Papy fait de la Résistance. Stasi fait de la résistance, donc, ou La vie de Mamie. Ce qui fait comique ici, ce sont les saillies sur le stalinisme – ah, qu’il est doux de se moquer d’un régime totalitaire qui n’est pas à nos portes, mais bien relégué dans un passé qui autorise un rire enfantin et libéré, presque nostalgique.

Patrick Haudecœur est décidément un « carcassier » impeccable. Il connait les trucs de la « pièce bien faite », véhicule intelligent qui amène le rire. Un quiproquo bien placé, une variation sur le triangle amoureux du vaudeville, un « truc » efficace déjà rodé chez Feydeau, un comique de répétition qui connait aussi la variation, un art de la chute et de la pointe, des personnages farcesques aux types identifiables (la mégère, la harpie). Il y ajoute l’apport du burlesque : celui de son propre personnage d’ahuri, à qui il destine quelques numéros ; et celui des « gags » avec accessoire, qui font mouche, surtout dans la seconde partie. A ce comique très sûr de ses effets se joint également un grain de folie qui lui est propre, et qui éclate dans le personnage du général mélancolique, rendu inconsolable par la perte de sa chère Greta.

La pièce est dans ses débuts une Brabant un peu grippée qu’il faut relancer. Le commencement semble poussif, même si Maxime d’Aboville compose très vite un personnage névrotique très solidement campé. La partition comico-romantique qu’il joue avec Anne Charrier patine un peu, les mots d’esprit tombent dans le puits, les mouvements et les transitions semblent manquer de rythme. La pièce commence à trouver son allure avec la bourvillienne arrivée de Patrick Haudecœur, évidemment très attendue. Ensuite, le rythme va crescendo : la deuxième partie est un festival d’invention, mené sur un excellent tempo ; le finale ravit un public en pleurs, secoué de rires. Loïc Legendre est absolument parfait en agent double que l’on adore détester. Marie Lanchas est excellente en Ninotchka mélomane. Mais comment résister à la partition de Guilhem Pellegrin, qui a peu de scènes, mais les emporte toutes, et qui, chargé de l’entracte, commence à faire hurler de rire la salle, à peine sorti des coulisses ? Berlin, Berlin, es weint nicht, es lacht !