© Pascal Victor / ArtcomPress

ƒƒ  Article de Victoria Fourel

Faire Bella figura, c’est tenir, empêcher la façade de s’écrouler, malgré le vernis qui se craquelle, malgré les apparences qui menacent de lâcher à tout moment. Les protagonistes de cette étrange soirée au restaurant le sentent venir, le savent dès le départ, peut-être, ça ne va pas bien se passer. Au moindre faux pas, tout peut déraper.

Il est jouissif d’observer silencieusement les règles de la vie en société qui se décalent, de voir des personnages sortir du rôle qu’ils s’imposent. Ici, on rentre très rapidement dans la bizarrerie, et le texte jongle avec talent entre concret et absurde, dans les répétitions et les obsessions du personnage d’Yvonne, dans les allers et retours incessants du couple qui ne se met jamais d’accord.

On relie facilement ces scènes à des choses concrètes. Avec son ton pince-sans-rire, le spectacle nous rappelle au cynisme que cultivent les gens qui gravitent dans les mêmes cercles, le « fond de mélancolie » qu’évoque Andrea sur scène et qui caractérise les microcosmes sociaux dans lesquels on évolue tous. La tristesse ambiante et les fêtes sans joie que l’on s’impose donnent non seulement au spectacle un fond intéressant, mais également une grande drôlerie, très noire. Même si tout ne sort pas avec une parfaite justesse, il y a des grands moments de comédie.

Là où l’on peut émettre des réserves, c’est surtout dans l’aspect rythmique du spectacle. Il y a des changements de décor au noir un peu systématiques dont on ne raffole pas, même si le décor est très intelligent. Il y a des avancées dans l’intrigue par à-coups, qui donnent la sensation d’un spectacle par vagues, où le dérèglement des codes est un peu appuyé. Et il y a des moments où l’émotion pourrait s’installer et où le temps ne lui est pas laissé, comme à la toute fin du spectacle.

C’est moderne et drôle, et la pièce porte un regard acerbe sur nos conversations sans fin, sur notre gêne face aux incursions de l’intime dans le cercle public. Les acteurs sont précis, la tension est palpable, le texte respire. Et finalement, ce spectacle fait mieux que simplement bonne figure.

Bella Figura, écrit et mis en scène par Yasmina Reza

Texte Yasmina Reza
Mise en scène Yasmina Reza

Avec Emmanuelle Devos, Camille Japy, Louis-Do de Lencquesaing, Micha Lescot et Josiane Stoléru

Du 7 novembre au 31 décembre 2017 à 21h

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris

Réservation 01 44 95 98 00
www.theatredurondpoint.fr

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