À l'affiche, Critiques // Belgrade, mise en scène de Thierry Jolivet, collectif La Meute, au 104

Belgrade, mise en scène de Thierry Jolivet, collectif La Meute, au 104

Fév 14, 2016 | Commentaires fermés sur Belgrade, mise en scène de Thierry Jolivet, collectif La Meute, au 104

ƒ article de Florent Mirandole

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 © DR

Une plongée apocalyptique dans les entrailles de Belgrade. Voici ce que propose le collectif La Meute au 104. La jeune troupe de comédiens revient sur la guerre en ex-Yougoslavie en s’appuyant sur le texte d’Angelica Liddell, Belgrade. Mise en scène par Thierry Jolivet, la pièce met en scène 4 protagonistes qui ont vécu jusque dans leur chair les événements des années 1990. En guise d’introduction, un comédien perché sur une scène qui nous surplombe reprend quelques morceaux choisis du discours du « champ des Merles », que l’ancien apparatchik Slobodan Milosevic prononce en 1989. Le discours marque le début du conflit, lorsque le futur président serbe fait revivre le feu du nationalisme.

Les monologues sont sombres, torturés. Les protagonistes qui se succèdent, partisan, victime ou témoin de l’ancien régime, constituent autant de points de vue différents. A aucun moment la troupe ne prête ainsi le flanc à la critique politique, renvoyant chacun à sa douleur et à sa haine. Toutefois la qualité de la réflexion des protagonistes élève rapidement le texte au dessus du seul conflit serbe. La pièce tourne rapidement autour de la capacité des hommes à oublier toute humanité, pour la remplacer par une haine inextinguible de l’autre. Cet acharnement dans l’horreur interroge et fragilise chez chacun de nous notre part d’humanité.

La grande qualité de la jeune troupe est de saisir à bras le corps ce texte, et de proposer ainsi un exposé implacable sur cette boucherie. Tout dans ce Belgrade est excessif. Le rock insistant du groupe, les nuages de fumées déversées sur la scène, jusqu’au jeu sans retenue de la journaliste, qui vomit toutes les images et les notes prises pendant ses déambulations en Serbie. La troupe pouvait-elle mettre en scène différemment ce texte sans concession d’Angelica Liddell ? Ce parti pris a le mérite d’être audacieux. Malheureusement cette prise de risque souligne plus encore le décalage qui existe entre le sujet de la pièce et le traitement que lui donne Angelica Liddell.

Les mots utilisés par les protagonistes se rapprochent trop de ceux utilisés par les intellectuels occidentaux, à l’image des écrivains et journalistes désireux d’apporter un sens à cette boucherie. Entre la panique et l’indignation, le texte ressemble moins à une interview des protagonistes qu’à une introspection de son auteur. Cet exercice d’auto-célèbration de l’indignation installe ainsi une distance entre le spectateur et le drame joué devant lui, distance qui empêche de rentrer pleinement dans le sujet.

D’après la pièce Belgrade Chante, ma langue, le mystère du corps glorieux, d’Angélica Liddell, traduite par Christilla Vasserot, éditions Théâtrales, 2010
Mise en scène : Thierry Jolivet
musique : Jean-Baptiste Cognet, Yann Sandeau
Lumière : David Debrinay
Son : Mathieu Plantevin
Régie générale : Nicolas Galland
Construction : Gabriel Burnod – Les Constructeurs.
Avec : Florian Bardet, Clément Bondu, François Jaulin, Nicolas Mollard, Julie Recoing

Du 10 au 14 février 2016

Le 104
5 rue Curial 75019 Paris
Métro : Riquet
Réservation : 01 53 35 50 00
www.104.fr

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