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Avremo ancora l’occasione di ballare insieme, un projet de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, au Théâtre de l’Odéon/Atelier Berthier / Festival d’Automne à Paris

Déc 13, 2021 | Commentaires fermés sur Avremo ancora l’occasione di ballare insieme, un projet de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, au Théâtre de l’Odéon/Atelier Berthier / Festival d’Automne à Paris

 

© Andrea Pizzalis

 

ƒƒ article de Denis Sanglard

Non, ce n’est pas une adaptation du film de Federico Fellini, Ginger et Fred (1986). Mais une interrogation sur le métier de comédien, la vocation, le doute, la vieillesse. Plus largement encore le lent déclin d’un artisanat, un acte de création, pour une marchandisation, un produit qui touche à son tour le théâtre, annonce son hypothétique crépuscule. Amélia (Giulietta Masina) et Pippo (Marcello Mastroianni) au centre de ce projet sont la cristallisation de toutes ces interrogations qui traversent une vie vouée à leur art. Mais nous ne sommes plus dans un studio de télévision où ces deux artistes tentaient de renouer avec un univers, un passé révolu, ce music-hall luxueux de jadis, fracassé devant son artefact berlusconien. Ça commence par la visite d’un théâtre comme on visite un lieu désormais vide de son objet. Un musée où sont figés les vestiges et les fantômes d’une représentation, celle-là même à laquelle nous allons assister, que veille encore la servante, cette lumière sur le plateau vide, le théâtre déserté. Prémonition d’un avenir devenu incertain ? Le projet de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini est justement de retrouver, dans une économie de moyen radicale, la source même d’une vocation, d’un art non assujetti aux lois du marché, libre encore de toute contrainte. Un art de fait en résistance où le beau serait avant tout signifiant et non réduit à sa valeur d’usage et de consommation. Et ce n’est pas tant l’art de la représentation en lui-même qui importe, le rideau rouge en fond de scène restera fermé et nous resterons résolument dans les coulisses, que ce qui précède et nourrit le travail ; la vie des artistes, entre ombre et lumière. Leur liberté. Ils sont six sur le plateau, performers, danseurs, acteurs − tout ça à la fois − qui parlent, qui parlent beaucoup, qui échangent et se répondent, ou pas, sur ce foutu métier, ses à-côtés. Leurs expériences, les choses vues et entendues. Et quand ils ne parlent pas, ils dansent. Ce qui revient au même ici. Parlare, ballare, l’assonance des deux verbes italiens portent à confusion. Confusion qui revient souvent ici et dont ils jouent sciemment. Parce que la danse est un langage en soi, performatif aussi, au centre de leur projet. Ginger et Fred parlait aussi de ça, de la danse qui dans sa pureté d’intention et de réalisation révélait et dénonçait un temps révolu, heurtée de plein fouet par la laideur sans imaginaire de la modernité berlusconienne. Pas pour rien non plus que Pina Bausch soient évoquée ici. La danse comme un acte de résistance. C’est par ailleurs une des plus belles séquences de cette création ou un acteur reprenant les saluts caractéristiques et singuliers de grands acteurs italiens, limite cabotins, les enchaînant soudain en fait une danse que n’aurait pas reniée la dame en noir de Wuppertal. Parlare, ballare où la nécessité de l’échange, du rapport à l’autre dans l’acte de création, la parole et le corps, à la fois mise à nu et porteur d’un imaginaire. Voilà le cœur de tout acte de création et de résistance. Avremo ancora l’occasione di ballare insieme n’exprime rien d’autre que ça. Étrange création à vrai dire où il ne se passe rien, du moins rien de volontairement spectaculaire. C’est une étrange traversée entre chien et loup à laquelle il faut s’abandonner − pas facile c’est vrai − accepter cette conversation à bâtons rompus, ces soliloques qui n’expriment rien d’autres qu’une vie consacrée à un art qui vous dévore et qui vous échappe. Avec toutes ses questions, empilées comme un mille-feuilles, au risque de s’y perdre et qui demandent une attention soutenue, c’est vrai. Mais là, sur ce plateau nu, dans cet entre-deux que sont les coulisses, dans ce théâtre voué à disparaître sans doute, sinon déjà disparu, on peut être Ginger et Fred, Pina Bausch aussi. Il suffit d’une robe ou d’une queue-de-cheval pour évoquer les fantômes du passé, conjurer la peur qui tenaille le présent et menace votre avenir. Et poser cette question, devant l’irréconciliable, pourquoi ne pas d’enfuir après tout, quitter le show ?

 

© Andrea Pizzalis

 

Avremo ancora l’occasione di ballare insieme, librement inspiré de Ginger et Fred de Federico Fellini

Un projet de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini

En co-création avec Francesco Alberici, Martina Badiluzzi, Daria Deflorian, Monica Demuru, Antoinio Tagliarini, Emanuele Valenti

Collaboration à la dramaturgie, assistanat à la mise en scène, photo et vidéos de scène : Andrea Pizzalis

Collaboration artistique : Attilio Scarpellini

Lumières : Gianni Staropolli, Giulia Pastore

Scénographie : Paola Villani

Son : Emanuele Pontecorvo

Costumes : Metella Raboni

 

Du 10 au 18 décembre 2021

Du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 15 h

Durée : 1 h 40

 

 

Théâtre de l’Odéon / Ateliers Berthier

1 rue André Suarès

75017 Paris

Réservations 01 44 85 40 40

www.theatre-odeon.eu

 

Tournée

Du 12 au 15 janvier 2022 : Théâtre Garonne-scène européenne / Toulouse

Du 24 au 25 janvier 2022 : Thalia Theater-Lessingtage Festival / Hambourg

Du 2 au 6 février 2022 : Arena del Sole / Bologne

Du 10 au 13 février 2022 : Fabbricone-Teatro Metastasio / Prato

 

 

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