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Avant toutes disparitions de Thomas Lebrun, au théâtre de Chaillot

Mai 25, 2016 | Commentaires fermés sur Avant toutes disparitions de Thomas Lebrun, au théâtre de Chaillot

ƒƒ article de Florent Mirandole

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© Bernard Duret

Une alerte à la bombe et le danseur saute à terre, terrifié. Son corps, tout en muscle, tremble encore quelques minutes après alors qu’une nouvelle alerte se produit. Pourtant la scène du théâtre de Chaillot est apparemment calme. Aucune détonation, aucun uniforme n’est là pour planter le décor. C’est toute l’intelligence du spectacle de Thomas Lebrun, de nous faire ressentir charnellement toutes les horreurs et les humiliations de la guerre avec une économie de moyens. Construit en plusieurs parties, Avant toutes disparitions nous mène des années sombres jusqu’au défoulement des années 1960 ou 1970.

Le spectacle de Thomas Lebrun est construit sur un jeu de contrastes entre peur et enthousiasme, inquiétude et insouciance. Ces extrêmes sont traduits par les corps des danseurs, par leurs formes, leurs déplacements. Courbés et soumis dans la première partie, ils sont droits et vigoureux par la suite. Cette dualité se retrouve également dans la mise en scène. Alors que les périodes sombres s’effectuent en bordure de plateau, un immense gazon occupant le centre, les danseurs des trente glorieuses occupent jusqu’au dernier centimètre carré de la scène.

L’habillage de la pièce d’un semblant de chronologie historique, on reconnaît facilement la guerre de 39-45 et les années rock soixante-huitarde, permet à Thomas Lebrun de créer une pièce particulièrement intelligente, où chaque mouvement porte une signification lourde, intense. Il faut tout de suite reconnaître que la première partie est bien au-dessus de la seconde. Le talent du chorégraphe ne s’exprime jamais aussi bien que lorsqu’il ralentit les mouvements. C’est le cas pour cet homme qui échappe aux bombes, ou de cette femme qui recherche désespérément quelqu’un au milieu de pauvres âmes errantes. C’est le cas également avec ce trio d’hommes qui se déplacent en fond de scène. Torses nus, dos au public, une lumière blanche éclaire leur corps que l’on croirait décharnés. Rarement une image a produit autant d’émotion.

La deuxième partie est en comparaison plus classique, malgré plusieurs tableaux enthousiasmants. La rapidité qui est amenée dans les mouvements décomposés produit une impression d’artificialité. Il faut l’arrivée des années rock-a-billy pour que le chorégraphe redonne du souffle à sa pièce. Désarticulée et énergique, la petite troupe déploie une énergie communicative. Il reste à évoquer la dernière scène, trop longue pour être passée sous silence. Thomas Lebrun et 3 autres danseurs enchainent une chorégraphie minimaliste faite de petits gestes et de lents déplacements, le tout entourés d’une fumée épaisse. Tout est redevenu calme, léger. Concrétisant à gros traits l’ambition spirituelle du chorégraphe, cette scène casse la belle émotion qui se dégageait jusque là, dans un pensum proto-raëlien long et pesant.

Avant toutes disparitions
Chorégraphie Thomas Lebrun
Musiques David Lang, Julia Wolfe, Michael Gordon, McKinney’s Cotton Pickers
Création musicale Scanner
Lumières Jean-Marc Serre
Costumes Jeanne Guellaff
Scénographie Thomas Lebrun
Son Mélodie Souquet
Régie plateau Xavier Carré

Avec Odile Azagury, Maxime Camo, Anthony Cazaux, Raphaël Cottin, Anne-Emmanuelle Deroo, Anne-Sophie Lancelin, Daniel Larrieu, Thomas Lebrun, Matthieu Patarozzi, Léa Scher, Yohann Têté, Julien-Henri Vu Van Dung

Du 17 au 20 mai 2016

Théâtre National de Chaillot
1, place du Trocadéro – 75116 Paris
Réservations : 01 53 65 30 00
www.theatre-chaillot.fr

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