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Aux éclats… , conçu et mis en scène par Nathalie Béasse au Théâtre de la Bastille

Sep 20, 2020 | Commentaires fermés sur Aux éclats… , conçu et mis en scène par Nathalie Béasse au Théâtre de la Bastille

 

© Jean-Louis Fernandez

 

ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

On aimerait avoir la plume légère et pointue. Ecrire les choses en les détourant comme des silhouettes, traduire les émotions sans se laisser emporter par la passion. Tenir la bride. Ou, dit autrement, savoir se tenir. Tant il est vrai que Nathalie Béasse sait, elle, tenir sa barque légère au fil d’une navigation pourtant hilarante, et composer avec doigté une carte du rire où l’on croise à la fois montagnes de l’absurde, forêts burlesques et abîmes du fou rire. Une carte dessinant un monde aussi proche qu’il nous est lointain : puisant son origine dans l’enfance, ce miroir tendu à notre propre histoire. Comment ne pas se reconnaître par exemple dans ce « je te tiens par la barbichette » qui atteint ici la dimension performative tant les claques se mettent à voler de plus en plus vite et claquer de plus en plus fort. Car la candeur sait aussi se teinter de noirceur si cela peut rendre la plaisanterie encore plus jouissive…

Aux éclats… est un projet entamé en 2019 lors d’un chantier de recherche dans ce même Théâtre de la Bastille (« Occupation » est le nom donné à ce processus par son hôte). Après avoir été créé dans un autre lieu, Aux éclats… revient donc inaugurer la nouvelle saison de la Bastille. Porté par trois magnifiques acteurs formant trio alors que le burlesque nous avait habitué au duo (Laurel et Hardi) ou au solo (Charlot, Buster Keaton…), le trio est probablement le grain de sable qui fait déraper un peu plus loin la mécanique et la mathématique naturelles du couple comique et l’entraîne dans des territoires existentiels, cruellement drôles, plus rarement explorés. Ce « trouple » donc, parfait, cravatés et habillés comme s’ils sortaient tous les trois d’un film de Tati, délicieusement vintages, mêle dans une combinaison inédite le premier de la classe, respectueux des règles, le donneur d’ordre, leader naturel et dominant, et la bonne pâte qui sait encaisser les baffes mais sait aussi en mettre.

Venons-en à l’essentiel : Aux éclats… se pique de nous faire sourire, et rire même, mais son enjeu véritable est ailleurs. La mécanique du rire — ou peut-être vaudrait-il mieux parler d’organique ou de physique du rire — ne se donne jamais exactement pour ce qu’elle est, elle est toujours un peu décalée, mise de côté, mise à l’épreuve, si bien que le spectateur a la sensation troublante à la fois de rire et d’expérimenter ce rire à l’œuvre, de scruter toutes ces autres émotions qui nous mettent en branle, ces éclats de vie.

Comme s’il s’agissait d’une terra incognita, Aux éclats… fait de nous des explorateurs, des découvreurs d’un continent qui nous est trop familier mais dont nous sommes profondément ignorants : ce rire qui agite l’humanité. A en mourir dit-on.

Cette mise en perspective, cette mise au point s’effectue dès les premiers instants. D’entrée de jeu, Nathalie Béasse façonne l’écoute et le regard du spectateur pour l’amener à étreindre une autre expérience sensible. Nous sommes ainsi amenés à contempler le vide de la cage de scène quand l’espace sonore se remplit progressivement de multiples sons réels produits en coulisse : marteau, aspirateur, scie électrique, perceuse, éclats de voix… Outre l’aspect comique, on ressent alors une puissante distorsion du sens et du son, on se trouve aspiré par le vide de l’image quand le son déborde, tel une pompe à narration, propulsant de l’imaginaire dans nos oreilles quand notre regard plonge en apnée dans une scène vide.

Le vide retrouvera son silence. Et si des morceaux de plâtres s’écroulent du plafond ou d’un mur, si une rivière poisseuse et blanche se déverse comme un pot de peinture renversé, c’est surtout ce compresseur à fumigène exhalant un nuage protéiforme s’incarnant au rythme de notre imagination qui nous aura profondément marqué. Comme si l’on s’offrait le temps de regarder, et à rêver pour la première fois de château en observant les nuages dans le ciel. Ou pour reprendre les mots de Shakespeare dans Antoine et Cléopâtre : « Parfois nous voyons un nuage prendre l’aspect d’un dragon, d’un lion, d’un ours ; parfois quelque vapeur errante offre l’image d’une tour, d’un château, d’un rocher crénelé, d’une montagne abrupte ou d’un promontoire azuré couvert d’arbres… »

Aux éclats… construit patiemment, sensiblement, cette vacance en chacun de nous propre à accueillir sans préjuger ces jeux de rôles, ces masques, ces mises en situation, ces mécaniques, ces passages obligés (le coussin péteur), ces tours de passe-passe, sans plus de causalité ni narration. Nous mettant ainsi aux avant-postes d’une météorologie de l’humaine condition.

Aux éclats… résout alors le paradoxe de toucher à la grâce en puisant dans la gravité. Et nous faire rire au milieu des intempéries de la vie.

 

 

© Jean-Louis Fernandez

 

 

Aux éclats…  conception, mise en scène et scénographie Nathalie Béasse

Avec Etienne Fague, Clément Goupille, Stéphane Imbert

Musique originale Julien Parsy

Lumière Natalie Gallard

Régie son Tal Agam, Nicolas Lespagnol-Rizzi

Régie plateau Max Belland

Construction décor Julien Boizard, Corinne Forget, Philippe Ragot

Durée : environ 1 heure

 

 

Du 14 septembre au 8 octobre 2020 à 21 h

Relâche le mercredi 16 septembre et les dimanches

 

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris

 

Réservation : 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

 

 

En tournée :

 

Le vendredi 06 novembre 2020 à 20 h 30

Le cargo – Segré

1 Place du Port

49500 Segré-en-Anjou Bleu

Tél : 02 41 92 31 89

culture@segreeanjoubleu.fr

 

Le jeudi 12 novembre 2020 à 20 h 30 et vendredi 13 novembre 2020 à 14 h 15 (scolaire)

La halle aux grains – scène nationale – Blois

2 Place Jean Jaurès, 41000 Blois

Tél : 02 54 90 44 00

www.halleauxgrains.com

 

Le mardi 24 novembre 2020 à 20 h 00

L’espal – scène nationale – Le Mans

 

60 rue de l’Estérel, 72100 Le Mans

Tél : 02 43 50 21 50

www.quinconces-espal.com

 

Le 15 et 16 décembre 2020 – 20 h 00

Théâtre Sorano – Toulouse

35 Allée Jules Guesde, 31000 Toulouse

Tél : 05 32 09 32 35

www.theatre-sorano.fr

 

Du 26 au 29 janvier 2021 à 20 h 30

Théâtre universitaire – Nantes

Chemin de la Censive du Tertre, 44300 Nantes

Tél : 02 53 52 23 80

https://tunantes.fr/

 

Du 17 au 19 mars 2021 à 20 h 00

La comédie, CDN de Saint-Etienne – Saint-Etienne

Place Jean Dasté, 42000 Saint-Etienne

Tél : 04 77 25 14 14

www.lacomedie.fr

 

Le mardi 11 mai 2021 à 20 h 30

Théâtre quartier libre – Ancenis

Allée Vicomte de Rohan, 44150 Ancenis

Tél : 02 51 14 17 17

www.theatre-ancenis.mapado.com

 

 

 

 

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