À l'affiche, Critiques // Antoine et Sophie font leur cinéma, d’Olivia Rosenthal mise en scène Antoine Oppenheim et Sophie Cattani, au 104.

Antoine et Sophie font leur cinéma, d’Olivia Rosenthal mise en scène Antoine Oppenheim et Sophie Cattani, au 104.

Jan 27, 2017 | Commentaires fermés sur Antoine et Sophie font leur cinéma, d’Olivia Rosenthal mise en scène Antoine Oppenheim et Sophie Cattani, au 104.

ƒƒ Article de Victoria Fourel

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© DR

Ils ont vu trop de films. Ils ont abreuvé leurs imaginaires, répondu à des questions qu’ils ne se posaient même pas, écrit des souvenirs qui appartiennent à d’autres, mis des images sur des situations. Alors dans ce spectacle en épisodes, ils décrivent et décryptent ce que les films ont fait d’eux, ont bâti en eux.

On a vu deux épisodes. Bambi d’abord, et les vampires ensuite. Tout un programme. Premier épisode, dans un débat assez drôle, le souvenir de Bambi et du Livre de la jungle. Déchirants, déprimants, ou excellentes images en mémoire, ils sont les reflets de deux époques, de visions fantaisistes acceptées par nos cerveaux d’enfants, mais carrément dérangeantes si l’on y pense. Puis, solitaire et plus tragique, inventaire des raisons qui font que les films de vampires sont tous des navets. Comment ce personnage mythique qui parle de nos angoisses, de nos addictions et du fondement même de ce qui fait un être humain, devient ridicule.

Le cinéma est lui aussi un fondement de ce que nous sommes, forgés par les héros et les traumatismes de l’écran. Il est le socle d’un spectacle entre débat d’idées et délire total, tantôt ampoulé, tantôt sérieux, toujours très intime. Théâtraliser le cinéma et en parler avec légèreté, c’est rire de l’art. Et c’est aussi faire résonner les clochettes que nous avons en commun dans tous les films, tous ces souvenirs que l’on partage. Bien sûr, cette légèreté doit trouver sa limite pour éviter que le débat ne s’assèche et ne tourne en rond, ce que l’épisode autour de Disney s’empêche un peu de faire. Il est jouissif de décortiquer, triturer les films et les souvenirs qu’ils ont laissés, mais il faut aussi éviter la conversation, ne pas oublier la performance pour entrer à nouveau dans l’ordinaire.

Bien vues, les deux scénographies se répondent : un canapé, pour le chez-soi, un écran massif pour l’illustration de la conférence, une régie sur scène pour remonter les films, jouer avec les images. Ensuite, les épisodes sont uniques : les accessoires et la lumière sont écrits pour le thème de l’épisode, donnant une teinte particulière, répondant à des codes. Et c’est là que la fantaisie entre en jeu, le théâtre au-delà de la discussion. Quand Antoine disserte sur les vampires, il est mis en lumière par des barres façon néon, et quand le cinéma devient un prétexte pour entrer dans l’intime et son rapport à sa famille, à l’autre, à la peur du monde extérieur, on est vraiment dans la création contemporaine, dans le plateau de théâtre, d’ailleurs, on oublie déjà presque le canapé.

Si le texte pouvait se passer de quelques insistances et retours en arrière, le rythme est bon et les émotions produites par le cinéma intactes : on analyse et on sur-analyse, avec humour et précision, et il y a de belles idées visuelles pour mettre en avant le grand vivier d’expériences et de traces que le cinéma laisse en nous. Antoine et Sophie font leur cinéma, réveillent vampires, petits animaux mignons et grandes conclusions philosophiques, et donnent tout leur poids à Bambi, Mowgli, les vampires et les extra-terrestres, dans l’imaginaire collectif comme dans notre expérience intime.

Antoine et Sophie font leur cinéma (Bambi dans la jungle et Tous les hommes sont des vampires)
Texte Olivia Rosenthal
Mise en scène Antoine Oppenheim et Sophie Cattani

Avec Antoine Oppenheim et Sophie Cattani

Du mardi 24 janvier au dimanche 5 février 2017.
Du mardi au dimanche, à 19h30, 18h30, 17h ou 21h selon les jours.

104
5 rue Curial 75019 Paris
Métro Riquet
Réservation 01 53 35 50 00
www.104.fr

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