À l'affiche, Critiques // Andromaque, les héritiers – texte de Jean Racine – mise en scène Damien Chardonnet-Darmaillacq – Théâtre de la cité internationale

Andromaque, les héritiers – texte de Jean Racine – mise en scène Damien Chardonnet-Darmaillacq – Théâtre de la cité internationale

Fév 07, 2018 | Commentaires fermés sur Andromaque, les héritiers – texte de Jean Racine – mise en scène Damien Chardonnet-Darmaillacq – Théâtre de la cité internationale

Théodore Lacour

 

© Denis Gueguin

Structures métalliques, lamelles plastiques support de vidéos – quelques éléments de scénographies et l’espace est planté. Une sorte de neutralité froide, un dispositif à faire théâtre se dit-on. D’autant que certains espaces sont marqués aux lettres rouges comme les lieux de la grande histoire des héros de la Grèce – lieux empreints de tragédie. Nous y sommes !

Avec la proposition de titre décalé, on s’attend à une relecture d’Andromaque jusque dans l’écriture. Pour l’essentiel c’est le texte de Racine qui nous sera donné à entendre – seule entorse visible pour qui ne connaît pas le texte par cœur : le fait de donner la partition des confident.e.s à un seul acteur homme – les confidents ayant eu raison des confidentes ! Comme le rôle d’Hermione ayant eu raison du genre féminin : c’est un homme qui le porte.

C’est donc dans cette assemblée d’hommes et d’une seule femme que nous sommes conviés. Comme le laisse supposer le metteur en scène dans sa présentation, celui-ci cherche à créer ou du moins à se rapprocher de la pensée boursieusienne en voulant nous donner à voir un groupe de « nantis, d’enfants gâtés, désœuvrés, sans perspectives, qui se regardent vivre et mourir ».

Mais suffit-il de l’écrire pour que cela soit ? Pour que cela soit ce que nous voyons, ce à quoi nous assistons ?

Que voyons-nous ? et à quoi assistons-nous ?

Des acteurs qui se débâtent avec un texte – certes difficile – mais qui ne nous apparaît pas vraiment maitrisé et dont les alexandrins crissent à nos oreilles par de nombreuses liaisons malheureuses. Et si cela est une volonté de la mise en scène, ce qu’on espère, mais pour quelle finalité ? Pour nous faire entendre quoi du texte qui raisonnerait aujourd’hui ?

On y entend une parole qui se voudrait peut-être plus «naturelle», plus contemporaine donc parlée à 200 à l’heure – sans doute pour nous dire qu’on parle comme ça dans les couloirs des grandes écoles des nantis désœuvrés ?

On y voit donc un confident prenant les rôles de tou.te.s, ce qui perd totalement le spectateur et qui confère à ce personnage une position des plus ambiguë comme une sorte de Iago, tirant les ficelles des affres des quatre héros, alors même que cette figure n’est pas du tout contenu dans l’écriture de Racine.

Passe encore pour faire jouer Hermione par un homme (le seul qui s’en sort assez bien avec le confident) même si on ne voit pas bien dans le concret du plateau de quoi il s’agit.

On voit une vidéo soit assez peu signifiante ou trop évidente, on y entend une musique qui vient surligner les passages dramatiques à coup de note de piano… et puis qui explose en fin de spectacle comme une apothéose dans le chaos alors même que l’acte dernier de la tragédie est plus une résolution de tout ce qui a été mené pendant les 4 précédents mais soit !

Pourquoi se proposer cela si ni le travail d’acteur, ni la mise en scène ne cherchent à creuser un sillon qui même s’il reste non élucidé nous embarquerait sur un chemin, dans un imaginaire. C’est peu de dire qu’on reste sur sa fin, dans ce déploiement en forme de point d’interrogation.

Comme si créer un environnement à caractère spectaculaire, embrassant la vidéo, proposant aux acteurs rapidité et texte plutôt en force alors même que les micros dont ils sont équipés leur permettrait au contraire mille possibles pour entendre des murmures, des paroles étouffées, des voix qui déraillent ou qui se tordent suffirait à les faire entendre

Comme si la vitesse nous parlerait de la vie, l’excès – qui les coupe de leur sensible et des frissons de la peau – de la tragédie.

C’est quand même dommage de si peu entendre un texte alors même qu’on décide de s’y consacrer et de laisser le spectaculaire qui ne l’est pas tant du reste prendre le pas sur un propos…

On rendra grâce aux acteurs de leur énergie et de leur engagement dans cette aventure…

 

Andromaque, les héritiers
Texte Jean Racine
Mise en scène Damien Chardonet-Darmaillacq
Avec Xavier Bazin, Luc Cerruti, Lauriane Escaffre, Gurshad Shahemann, Gilles Vandeweerde
Scénographie / costumes : Aurélie Lemaignen
Composition musicale : Esteban Fernandez
Vidéo : Denis Guéguin

Du 05 au 10 février 2018
Durée : 1h45

Théâtre de la Cité Internationale
14 Bd Jourdan
75014 Paris
Réservations : 01 43 13 50 50
Par Internet : www.theatredelacite.com

 

 

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