Critiques // « Andreas », d’après August Strinberg, mise en scène de Jonathan Châtel, au Cloître des Célestins

« Andreas », d’après August Strinberg, mise en scène de Jonathan Châtel, au Cloître des Célestins

Juil 13, 2015 | Commentaires fermés sur « Andreas », d’après August Strinberg, mise en scène de Jonathan Châtel, au Cloître des Célestins

ƒƒƒ article de Florent Mirandole

14177081© Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Un couple se rencontre dans la rue. La conversation commence comme commence une histoire d’amour, par le délicat jeu de séduction d’un dialogue faussement anodin. Ce lieu anonyme s’avère propice au rêve et à l’abandon. Passant avec passion la porte ouverte vers l’inconnu, le couple commence une nouvelle vie. C’est ainsi que commence la pièce « Andreas », tirée de la première partie du « Chemin de Damas » d’August Strinberg. Pièce écrite sur le tard alors qu’il avait abandonné le théâtre, Strinberg affronte une nouvelle fois ses démons intimes à travers cette rencontre amoureuse.

En s’emparant du thème bien connu des nécessités de l’art, Strinberg expose toutes les contradictions et les obstacles qui opposent l’ambition artistique à la vie matérielle et familiale des hommes. Ici les aspirations artistiques des hommes pour l’art sont peints sous les traits de Thierry Raynaud, jeune homme séduisant et rêveur. La femme, Nathalie Richard, décide de l’accompagner dans son aventure, rapidement attirée par ce jeune écrivain et son parfum de mystère.

Mais le couple est rapidement rattrapé par les contingences de la vie. Surtout, Andreas craint que ce à quoi il a consacré sa vie ne s’échoue sur les récifs de cette histoire d’amour. S’ouvre alors à lui le choix d’une vie spirituelle et artistique ou d’un retour vers la figure sécurisante de la femme, de la mère. A partir de schéma classique autour des dilemmes de l’art, Strinberg superpose une problématique plus intimiste, où l’héritage de chacun vient souvent bousculer les enjeux du présent. Chez Strinberg, l’art est aussi une lutte contre soi-même, une manière de combattre ses propres démons. L’emprunte toute personnelle de l’auteur est ici palpable.

L’auteur suédois s’avère particulièrement virtuose à mêler ces différents enjeux, en multipliant les jeux de miroirs, les sous-entendus et les doubles lectures. A travers l’apparition de personnages symétriques, les personnages centraux sont rattrapés par leur passé, à moins que ce soit leur avenir. Le talent de Jonathan Châtel est de renforcer ces jeux de correspondance en faisant jouer plusieurs personnages à ses acteurs. Ainsi le jeu particulièrement juste de Nathalie Richard fait vivre dans toute leur intensité les personnages de la femme et de la mère tout à la fois. Cette double identité impose ainsi la figure féminine au centre de la pièce, unique sémaphore pour les guerriers aveuglés par le ciel.

Dans un décor épuré, composé de structures en bois peint en jaune et de grands panneaux d’acier, le jeune Jonathan Châtel crée une pièce forte et mystérieuse, nouant brillamment les tourbillons de l’âme et les abimes de l’art.

Andreas
Mise en scène, adaptation et traduction Jonathan Châtel
Collaboration Artistique Sandrine Le Pors
Scénographie Gaspard Pinta
Lumière Marie-Christine Soma
Musique Etienne Bonhomme
Costumes Fanny Brouste
Assistanat à la mise en scène Enzo Giacomazzi
Régie lumière Eric Corlay
Régie son Jordan Allard
Administration, production, diffusion EPOC productions – Emmanuelle Ossena et Charlotte Pesle Beal
Avec Pauline Acquart, Pierre Baux, Thierry Raynaud et Nathalie Richard.

Du 4 au 10 juillet

Festival d’Avignon
Cloître des Célestins
www.festival-avignon.com

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