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Anatomie d’un suicide, d’Alice Birch, mise en scène de Christophe Rauck, au Théâtre des Amandiers, à Nanterre

Mar 24, 2025 | Commentaires fermés sur Anatomie d’un suicide, d’Alice Birch, mise en scène de Christophe Rauck, au Théâtre des Amandiers, à Nanterre

 

© Géraldine Aresteanu

 

ƒ article de Sylvie Boursier

Dans Anatomie d’un suicide, Carole, Anna et Bonnie, trois femmes de la même lignée, souffrent chacune à leur façon, à trois époques différentes, mais leurs histoires se superposent sur scène. Le suicide de Carole fait écho à l’auto destruction de sa fille Anna, parturiente douloureuse, une souffrance psychique qui la tuera. Bonnie, la petite fille demandera qu’on lui enlève « ce qui en elle permet que quelque chose prenne », trois voix reliées par le cordon ombilical d’une maternité toxique, les maris et les frères jouent les utilités dans cette histoire.

Comme chez Sarah Kahne, le corps textuel est plus présent que le corps physique qui se délite. « Le bébé, le bébé, se répondent les accouchées, on vient d’avoir un bébé », elles semblent interloquées et choisiront de rester sur terre le temps nécessaire à l’émancipation de leurs filles. D’accord, Ok, Oui, Non, agies par les autres, elles s’interpellent en direct sur trois espaces temps simultanés. Sur une langue trouée, torturée, un mot en annule un autre comme si l’autodestruction du sujet et de la langue avaient lieu simultanément. Trois plans pour une seule image, un montage cut ponctué d’échos brefs, l’écriture d’Alice Birch laisse peu de place aux dialogues. Puissante dans sa composition chorale, elle fleurte parfois avec l’abstraction formelle sans les éclats poétiques d’une Virginia Wolf ou d’une Sylvia Plath, toutes fragmentées par la souffrance et résistantes à leur anéantissement. Sommes-nous comme des cannibales à nous nourrir les uns des autres ? semblent nous dire ces femmes qui se meurent de vivre.

Le décor, avec la belle lumière d’Olivier Oudiou, devient un véritable partenaire qui ne raconte pas une histoire mais des histoires, tout est à vue en même temps. Il y a des corps, des chutes, des époux, des solitudes, des médecins et des pansements. Les lignes droites horizontales et verticales, beiges, bleues et rouges à la Mondrian, délimitent le passé, le présent et l’avenir au premier plan, en arrière-plan un parallélépipède verdâtre avec une baignoire où grand-mère et mère attentent à leur vie. Enfermées dans ces cubes, les trois femmes n’ont pas de place. La mise en scène brillante de Christian Rauck, une véritable prouesse vue la complexité inouïe du dispositif, séduit par son design cinématographique mais tourne assez vite à l’exercice de style avec des champs, contre-champs superposés.

Dix comédiens pour vingt-sept personnages opaques sur une chorégraphie de haut vol, l’interprétation est difficile, on a l’impression d’avoir à faire à une partition de musique sérielle où la mémoire, la réminiscence, l’œuvre fragmentée sont centrales. Trois grandes comédiennes, Audrey Bonnet, Servane Ducorps et Noémie Gantier, assurent comme elles peuvent, à peine audibles dans les enchaînements et les aigus. Noémie Gantier est pourtant juste en piéta sacrificielle et Servane Ducorps émouvante. Les personnages secondaires sont des archétypes peu intéressants, ainsi la pêcheuse amourachée de Bonnie, on ne voit pas l’intérêt de sa présence récurrente sur un texte si fade.

On applaudit la performance, mais l’enchevêtrement vocal et visuel, doublé d’une esthétique clinique abstraite nous laisse perplexe. La répétition du même motif, sans que l’on puisse sentir les nuances, finit par lasser malgré des moments puissants.

 

© Géraldine Aresteanu

 

Anatomie d’un suicide, texte d’Alice Birch, traduction Séverine Magois

Mise en scène : Christophe Rauck

Dramaturgie : Marianne Ségol-Samoy

Scénographie : Alain Lagarde

Musique : Sylvain Jacques

Lumière : Olivier Oudiou

Costumes : Coralie Sanvoisin

Maquillages et coiffures : Cécile Kretschmar

Vidéo : Arnaud Pottier

Avec Audrey Bonnet, Éric Challier, David Clavel, Servane Ducorps, Noémie Gantier, David Houri, Sarah Karbasnikoff, Lilea Le Borgne, Mounir Margoum, Julie Pilod

 

Durée 2 heures

Jusqu’au 19 avril du mercredi au vendredi à 20h, samedi 18h, dimanche 15h

 

Théâtre Nanterre-Amandiers

7 avenue Pablo-Picasso

92022 Nanterre

 

Réservations : 01 46 14 70 00

www.nanterre-amandiers.com  

 

 

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