© Alipiopadilha
ƒ article de Isabelle Blanchard
Ce spectacle est au programme de Chantiers d’Europe, un festival dirigé par Emmanuel Demarcy-Mota qui met à l’honneur les artistes et les compagnies de pays voisins et qui interroge nos représentations et idéaux en un temps d’élections européennes. En Espagne, plus qu’en nul autre pays d’Europe, l’anarchisme connut sa belle saison, de 1936 à l’instauration de la dictature franquiste en 1939. À partir de la lecture du Bref Été de l’anarchie (Gallimard, 1975), dans lequel Hans Magnus Enzensberger narre la vie de Buenaventura Durruti et les combats libertaires qui furent les siens, Pablo Fidalgo nous propose l’essai de trois jeunes à la vie communautaire.
Au plateau trois personnages nus, un homme et deux femmes. Au fond du plateau, des phrases projetées.
Le spectacle se découpe en trois actes durant lesquels les trois personnages se cherchent, se frôlent, se combattent, s’agrippent, se rejettent dans un ballet très finement chorégraphié. Aucun mot n’est prononcé Les phrases projetées comme un flux de pensées font écho à ce ballet au plateau. On comprend vite que la recherche d’un autre monde est avant tout un combat physique. Les corps sont malmenés, empêchés, brimés. Parfois ils se sauvent, se libèrent mais pourquoi…
Pablo Fidalgo nous convoque à sa vision du monde. Il met en scène trois personnages qui tentent de créer un nouvel ordre, un monde communautaire loin de notre société et qui échouent à réaliser ce rêve. Cette vision extrêmement fataliste, qu’aucune société libertaire ou autre n’est possible qu’aucune utopie n’est viable, laisse un goût amer.
Il propose un anarchisme proche d’une révolte adolescente, telle une réaction à une société plutôt qu’à un mouvement réfléchi. Il propose également une vision assez simpliste de l’adolescence et de la jeunesse qui pour s’affranchir des règles imposées oublie et s’oublie dans la danse et la musique techno.
Le metteur en scène casse nos sensations et nos tentatives de nous accrocher à une vue d’ensemble en nous obligeant à un aller-retour permanent entre les mots projetés et le plateau où évoluent les comédiens. Nous devons choisir les mots ou les corps. Il morcelle notre vision. Nous oblige à choisir, sans cesse tiraillé.e entre l’action et la lecture. Et ce choix permanent, ce renoncement, empêche de pleinement vivre le spectacle.
Malgré tout, parfois, la magie opère et face à ces trois corps une image surgit, une impression prend vie. La lecture aussi au détour de certaines phrases, certaines questions peuvent résonner en nous. Mais nous sommes vites rattrapés par une vision désabusée de l’humanité et de sa recherche d’une vie autre.
© Alipiopadilha
Anarquismos, de Pablo Fidalgo
Mise en scène Pablo Fidalgo
Assisté Amalia Area
Traduction Christillat Vasserot
Avec Ángela Millano, Cláudio Da Silva & Rocío Berenguer,
Spectacle en espagnol surtitré en français
Du 16 au 17 mai 2019 à 19h00
Durée 1h15
Théâtre de la Ville – Espace Cardin
1 avenue Gabriel
75008 Paris
Réservation au 01 42 74 22 77 de 11h à 19h du lundi au samedi
www.theatredelaville-paris.com
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