Critiques // « Amor, amor… à Buenos Aires », la comédie musicale de Federico Mora

« Amor, amor… à Buenos Aires », la comédie musicale de Federico Mora

Jan 29, 2011 | 2 commentaires sur « Amor, amor… à Buenos Aires », la comédie musicale de Federico Mora

Critique d’Ottavia Locchi

Calor, calor… et clichés sévères

Si ce spectacle a pour but de nous sortir de nos petits tracas quotidiens, c’est réussi. On est littéralement happés par ce qui se passe sur scène ! Ils osent foncer dans les clichés sur la sexualité, et personne ne s’en plaint.

Ottavia La Blanca est de retour dans la pension familiale. Dix ans auparavant, elle s’appelait Roberto, et sa mère Alba l’avait chassée à cause de son homosexualité. Aujourd’hui Ottavia revient en femme assumée pour retrouver son grand amour resté là bas : Alvaro. Pendant ce temps, une prostitué arrive dans la pension, les deux sœurs d’Alba cherchent leur identité sexuelle, la grand-mère est interprétée par un homme et quatre danseurs meublent l’ambiance avec cigarettes et chorégraphies. Ça promet !

Le spectacle est très coloré, très dynamique, et on n’est pas en reste sur le sujet du sexe. Tout tourne autour de cela d’ailleurs ; une des tantes découvre son corps alors qu’elle a passé l’âge avec Pedro, l’ami homosexuel qu’Ottavia a ramené de son cabaret, Yolanda (appelez-la « jolie » avec l’accent espagnol), celle qui « fait plaisir aux hommes », va susciter l’amour de la maîtresse des lieux Alba (après avoir vendu ses services à Alvaro qui se morfond d’amour pour elle), Alba elle-même se traînant un mari totalement hors service l’ayant fait tourner au son du tango des années auparavant. Quant à la grand mère entremetteuse, elle voit tout avec malice et fume de l’herbe.

Paillettes et médiocrité

Tous ces joyeux tableaux semblent si gais et si plaisants autour d’une vraie intrigue amoureuse (mais si, souvenez-vous, à la base Ottavia revient pour retrouver Alvaro, son amour de jeunesse !). Détrompez-vous : voici un spectacle brouillon, avec trop de choses, trop d’actions, trop de costumes, c’est graveleux, vulgaire et sans subtilité aucune. Une partie du public glousse, l’autre s’ennuie.

Si à un moment on peut entrevoir un semblant d’émotion, elle est immédiatement étouffée sous un magma de clichés stéréotypés pour racler jusqu’au bout la crédibilité de cette histoire. Si toutefois on peut appeler ça une “histoire”…
Il me semble que ce spectacle est trop long pour raconter ainsi une parenthèse. Le début est cafouilleux, la fin n’existe pas, et au final on ne sait plus trop ce qu’on a vu, à part des personnages-images aux caractères exagérément grossis.
Pour parfaire le sur-fait, valeur qui semble régner au Théâtre Comédia ces temps-ci, la musique aussi finit par nous décevoir. Ça commençait pourtant bien : tout le long, les chansons sont chantées en espagnol, on se laisse emporter par la magie de la langue et par ces mélodies argentines… Et puis, patatra! viennent s’incruster Tango Piazzola, Mozart et Shakira. Pourquoi tant de haine ? Sans disserter sur le blasphème qu’est d’introduire un extrait de l’« Enlèvement au Serail », le sens reste assez vague…

Voici en revanche de la part des comédiens-chanteurs-danseurs une performance sans fausses notes. Les chorégraphies de Caroline Roëlands mettent en valeur les corps et ravissent nos yeux, et les chansons sont interprétées pour la plupart avec technique. Sebastiàn Galeota, la fameuse Ottavia (quel prénom magnifique !) assume son corps d’homme-en-femme / femme-ex-homme, tout en faisant preuve d’une voix travaillée. Sa performance de comédien est remarquable, même s’il fatigue (le pauvre, des talons hauts comme la Tour Effeil, au bout de deux heures, on le comprend). Laura Lago est épatante en jolie Yoli, avec des jambes interminables qui-plus-est. Dans le rôle d’Alba, peut-être le plus crédible d’ailleurs, Mona Heftre possède bien le côté âpre de son personnage.

Stéphan Druet s’est fait plaisir dans cette mise en scène haute en couleurs. Les personnages sont mis en valeur dans un jeu éclatant, le tout dans un décor qui autorise les scènes de deuxième plan (les danseurs qui se disputent à l’étage). La transmission de cet enthousiasme pour les situations loufoques fonctionne, le tout audacieux et fonceur.

La mort de la comédie musicale ?
Oui, ça chante ça danse ça joue, oui oui, c’est chouette. Mais on a déjà vu ça, et en mieux fait en plus… Cette sitcom animée représenterait-elle finalement l’épuisement du genre comédie musicale ?

Amor, Amor… à Buenos Aires
De : Federico Mora
Mise en scène : Stéphan Druet
Avec : Sebastiàn Galeota, Mona Heftre, Cécilia Filippi, Emma Fallet, Laura Lago, Stéphane Eloy, François Briault, Salem Sobihi, avec la participation exceptionnelle de Coco Dias
Chorégraphie : Caroline Roëlands
Lumière : Régis Vigneron
Son : Philippe Parmentier
Costumes et chapeaux : Michel Dussarat
Maquillage : MAC

Du 20 janvier au 27 février 2011
Reprise du 8 au 24 avril 2011

Théâtre Comédia
4 boulevard de Strasbourg, 75 010 Paris – Réservations 01 42 38 22 22
www.theatrecomedia.fr

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