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AlreadyNotYet, de Aesoon Ahn, au théâtre de Chaillot

Juin 19, 2016 | Commentaires fermés sur AlreadyNotYet, de Aesoon Ahn, au théâtre de Chaillot

ƒƒƒ article de Florent Mirandole

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© Aesoon Ahn

C’est une scène sombre, remplie de chants mystérieux et de lentes percussions, à peines zébrées de quelques traits de lumière. Ce tableau d’exposition d’AlreadyNotYet ouvre les portes d’un royaume que nous connaissons peu en France, le monde des limbes sud-coréennes. Passé ce sentiment de déroute sensorielle, renforcée par une longue période de noir total et silencieux, cette découverte des ténèbres se transforme très vite en une expérience esthétique et spirituelle extrêmement forte. Cette plongée dans les entrailles spirituelles et culturelles du pays du matin calme n’est toutefois à aucun moment folklorique. Que l’on soit familier de cette culture ou non, AlreadyNotyet brille d’abord par les qualités de sa chorégraphe, Aesoon Ahn.

A la tête de la korea national Contempory Dance Company, Aesoon Ahn crée effectivement un spectacle fascinant, où la culture sud-coréenne parfois déroutante sert avant tout l’expression personnelle de la chorégraphe. On découvre cette singularité lors des premières déambulations de personnages semi-conscients sur la scène. La chorégraphe joue constamment sur le centre de gravité de ses danseurs, dont l’équilibre ne semble tenir qu’à un fil alors que tous peinent à avancer. Il en résulte une troupe de danseurs désarticulés en prise avec leur propre corps, animée d’une folie effrayante. C’est le cas par exemple avec ce personnage qui sautille en permanence, comme emporté par un démon qui a pris le contrôle de son corps, exprimant autant l’énergie que le désespoir. La chorégraphe impose ici un vocabulaire très singulier particulièrement fort.

L’émotion vient toutefois aussi de la séduction de la culture sud-coréenne. Si l’on passe par une phase d’adaptation, le temps de s’habituer aux bruits discordants des cymbales et des flutes de l’orchestre notamment, l’atmosphère créée se révèle au final envoutante, inquiétante et apaisante tout à la fois. Surtout, cette ambiance illustre bien cet entre-deux trouble que sont censées représenter les limbes, ce monde de passage entre la vie et la mort, où les Kokdu, les guides spirituels qui accompagnent les âmes des défunts sur le chemin de la sérénité, se révèlent aussi sombres que facétieux. On en viendrait même à apprécier les gazouillis maléfiques de la chanteuse sud-coréenne Gomul.

La pièce n’est toutefois pas égale. Ainsi le passage des danses de groupe, où l’improvisation semble de mise, déçoit par la répétition des mouvements et sa longueur. Mais le spectacle reprend de la vigueur lors la scène finale éblouissante, lorsque le décor semble imploser au milieu d’une atmosphère de chaos urbain fascinant.

AlreadyNotYet
Chorégraphie Aesoon Ahn
Musique Taewon Lee
Dramaturgie Namsoo Kim, Jaelee Kim
Art visuel Jaehwan Joo
Scénographie Heejae Kim
Lumières Éric Wurtz
Animation vidéo Sungchul Kim
Costumes Sunoc Im
Accompagnement musical live Gomul

Avec Minjin Kim, Jooyeon Son, Boae Yoon, Yoonhee Lee, Yunjeong Jeong, Sangruly Han, Hyoseon Heo, Yosub Kang, Keonjoong Kim, Donghyun Kim, Kim Jimin, Hoyeon Kim, Heungwon Lee, Hyeongjun Cho (danseurs), Yejin Hong, Jinho Khoe, Seungbin Bae, Youkyung Lee, Solmi Kim, Sangjin Hong (musiciens) et Minhee Park (chanteuse)

Du 9 au 11 juin 2016

Théâtre National de Chaillot
1, place du Trocadéro – 75116 Paris
Réservations : 01 53 65 30 00
www.theatre-chaillot.fr

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