Critiques // Critique • « Aimez-Vous la Nuit ? » de Julien Séchaud au Guichet Montparnasse

Critique • « Aimez-Vous la Nuit ? » de Julien Séchaud au Guichet Montparnasse

Jan 18, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Aimez-Vous la Nuit ? » de Julien Séchaud au Guichet Montparnasse

Critique de Rachelle Dhéry

Coluche disait « Y-a-t-il une vie avant la vie ? ». Le Professeur Raymond Moody s’est penché, quant à lui, sur la question de « La vie après la vie ». Julien Séchaud propose, dans « Aimez-vous la nuit ? », sa propre vision de la NDE (Near Death Experience), ou ce qu’il arrive lorsque un être tente de mettre fin à une vie trop douloureuse et qu’il se retrouve plongé dans le coma. Ce jeune auteur dépeint un lieu d’attente sous la forme d’un quai de gare, pour ceux qui ont refusé de faire face aux épreuves rencontrées sur leur chemin et qui se retrouvent coincés entre la vie et la mort. Deux voies. Deux destins. Vivre ou mourir. Combattre ou abandonner. Pardonner ou s’enfermer dans la haine, et forcément, dans la souffrance. Parler ou taire la vérité. Ces sujets graves sont traités par l’auteur sous une plume légère, poétique, cinglante et parfois drôle.

Il a choisi de donner vie à trois personnages aux profils bien distincts. Une femme, dans la cinquantaine, est la patiente (ici, patiente prend tous ses sens) la plus ancienne. Elle semble vivre dans le passé, et cache un terrible secret qu’elle met du temps à dévoiler. Un jeune homme rebelle, poète, incompris, trouve en cette femme, une mère, et une amie. Elle saura le conduire sur la voie de l’acceptation de soi, et l’aidera à faire taire la colère qui le ronge. Le denier arrivé est un homme d’affaires menant une vie imaginaire. Il semble se cacher de son propre passé. Pourtant, son passé vient de le rattraper. Les trois êtres se retrouvent confrontés les uns aux autres dans ce huis-clos, clin d’œil au maître du genre Jean-Paul Sartre. D’ailleurs une phrase est lancée « La vie, c’est les autres » et vient faire un pied de nez à cette réplique oh combien polémique « l’Enfer, c’est les autres ». Par ailleurs, deux autres personnages apparaissent épisodiquement : la passeuse, celle qui accompagne chaque patient vers son destin, ressemble à s’y méprendre à la vision commune que nous avons des infirmières. Elle est là pour réconforter, apporter des vêtements chauds, redonner de l’espoir, tout en dévoilant une partie de son propre vécu et de ses regrets passés. L’autre personnage est la Voix. Celle qui décide de la destination et surtout, celle qui fait patienter les trois âmes sur le quai, reportant inlassablement l’arrivée des trains, de ses interventions mélodieuses et cruelles.

Pour sa première pièce, Julien Seychaud confie la mise en scène à Annie Vergne, actuelle directrice du théâtre Le Guichet Montparnasse. Ainsi, pour représenter ce lieu onirique, elle choisit le réalisme et la sobriété, puisque les personnages sont vêtus comme au quotidien, seuls des chaises (blanches comme à l’hôpital) et un matelas sont disposés sur le plateau. Les effets de lumière et les divers placements des comédiens sont sobres mais efficaces. Pas besoin de fioritures. Les mots ont une place centrale et suffisent à incarner le lieu et les émotions ambiantes. Le jeu des acteurs oscille entre vérité et illusion. Le décalage scénique existant notamment entre l’ancienne patiente, cette « voix » de la sagesse, aérienne, songeuse, consciente de son état, et le nouvel arrivant, fougueux, impétueux, évoluant dans son propre mensonge, et très terre à terre reflète bien ce perpétuel mouvement de va-et-vient. Dans le personnage du jeune rebelle incompris, et qui renonce à la vie, incarné par l’auteur lui-même, on devine une sorte de mise à nu, un lien fort avec le sujet, ce qui touche notre âme au plus profond. La maturité du traitement de ce thème, pourtant difficile, et ici abordé sans pudeur, en est la preuve. On pourrait toutefois regretter un dénouement un peu trop rapide et simpliste de la tragédie qui se déroulait sous nos yeux, frôlant parfois un pathétique, jusqu’alors habilement évincé.

Aimez-vous la nuit ?
De : Julien Séchaud
Mise en scène : Annie Vergne
Avec : Laurence Allainmat, Anne-Chantal Bourdillat, Ghislain Geiger, Julien Séchaud, Annie Vergne et la participation d’Isabelle Delage.
Musique : Nicolas Van Melle

Du 26 septembre 2010 au 29 mai 2011
Reprise du 2 octobre au 11 décembre 2011
Reprise du 15 janvier au 1er avril 2012
Les dimanches à 15h30

Théâtre Le Guichet Montparnasse
15 Rue du Maine, 75 014 Paris – Réservations 01 43 27 88 61
www.guichetmontparnasse.com

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