© David Le Borgne
ƒƒ article de Nicolas Thevenot
Fermons les yeux quelques minutes. Inspirations et expirations emplissent l’ouïe comme le ressac d’un océan. Le lointain et le proche dialoguent comme des vases communicants et l’on ne sait bientôt plus lequel se vide et lequel se remplit. Deux bouches, celles de Simon Le Borgne et Ulysse Zangs accolés à deux micros sur pied de part et d’autre de l’espace de jeu circulaire, abouchent à une physique de l’invisible. De s’être laissé emporter par une telle expérience, si simple en soi pourtant, mais pleinement actée, il peut sembler difficile ensuite de revenir à une mécanique des corps, qui, au premier abord, apparaissent comme des grains de sable dans la mécanique imaginaire. Simon Le Borgne est le premier à s’y coller : fluant et refluant, sous le souffle de son compagnon de scène, des notes de guitare bientôt étirées ajoutant à la ligne d’air infinie un horizon désertique. Ad Libitum est une pièce sous influence, une pièce à modeler dans l’interaction de ses interprètes sous le regard d’un public (qui est encore une autre influence). L’infime éclate sous nos yeux comme une bulle de savon et fait spectacle inouï du fragile. Ad Libitum opère un changement de focal dans une sorte de rééquilibrage entre les différentes perceptions spectaculaires : son, lumière, et corps. L’énergie d’un souffle, d’une palpitation, structure l’espace et le temps. Ce qui se joue entre ces deux êtres de chair échappe aux mots, obéit aux lois de l’organique et du magnétique. Le corps de Simon Le Borgne s’appréhende comme celui d’un colosse aux pieds d’argile, impressionnante musculature qui semble presque gênée aux entournures, en délicatesse avec lui-même comme un oiseau aux ailes trop longues sous un ciel trop bas. Sa poésie est dans ce mélange des contraires, puissance et effondrement. Expansion et contention. Redressement et effritement. Ulysse Zangs est une liane folle, nerveuse, mouvements secs et affutés, avant de partir en furieuse toupie. Les deux font la paire, s’instituent horizontalité et verticalité, cosmos singulier. On assiste de bout en bout à un bouillonnement de l’informe d’où émergent des formes éphémères vite englouties. Quelque chose comme un processus de désécriture des corps disparaissant dans la masse du son. Ou un désapprentissage, si l’on prête attention au parcours des deux interprètes formés à la danse classique à l’Opéra de Paris. Ad Libitum pourrait être la mue de ces papillons quittant leur chrysalide de pas comptés, où pointerait une envie d’en découdre à tous les sens du terme. Une danse primitive faite d’arrachements nous soufflant au cœur.
© David Le Borgne
Ad Libitum, chorégraphie de Simon Le Borgne
Composition : Ulysse Zangs
Interprétation : Simon Le Borgne, Ulysse Zangs
Assistance à la chorégraphie : Philomène Jander
Lumière : Iannis Japiot
Regards extérieurs : Émilie Leriche, David Le Borgne
Durée : 50 minutes
3 et 4 décembre 2024 à 20h
Théâtre de Vanves
12 rue Sadi Carnot
92170 Vanves
Tél : 01.41.33.93.70
www.theatre-vanves.fr
En tournée :
19 avril 2025
[version in situ ou plateau]
Bousbecque
dans le cadre des Belles Sorties de la Métropole Européenne de Lille
21 avril 2025
[version in situ ou plateau]
Base de loisirs de Verlinghem
Dans le cadre des Belles Sorties de la Métropole Européenne de Lille
Rue de Pérenchies, 59237 Verlinghem
27 septembre 2025
[version in situ ou plateau]
Salle des fêtes, Tressin
Dans le cadre des Belles Sorties de la Métropole Européenne de Lille
9B Rue du Tuquet, 59152 Tressin
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