© Rosa Frank
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Il fut l’un des plus grand chorégraphe contemporain, un danseur singulier, menu et bossu, toujours impassible, qui marquait de son empreinte et de sa grâce parfois revêche chacune de ses création lesquelles vous foudroyait. Nous nous souvenons de Raimund Hoghe, chorégraphe et danseur unique dans le paysage si vaste et parfois fumeuse de la danse contemporaine. Nous nous souvenons de ses pièces sensibles et délicates qui à chaque fois nous bouleversaient par leur singularité de ton, leur bluffante inventivité, leur radicale simplicité, leurs propos engagés et compassionnels et jamais mièvres. Raimund Hoghe a toujours fait œuvre de mémoire. La mémoire, cœur battant de son œuvre, qu’il ne cessait de réactiver par des rituels obstinés et délicats, des colères têtues adoucies par des images foudroyantes de simplicité et de justesse, même dans leurs simples esquisses comme autant de signes ouverts sur une vérité encore à déchiffrer, et la scène comme un espace mémoriel où erraient les fantômes amicaux de Raimund Hoghe, anonymes ou célébrités, simples migrants ou la Callas, tous broyés par un système, vaincus, ombres extirpées de l’enfer et de l’oubli des hommes par ce chorégraphe, ce danseur qui porte en lui le souvenir sans nostalgie, jamais, de ceux qui furent, de ceux qui sont et seront. Avec Raimund Hohe, le particulier et l’universel se rejoignaient, le plateau devenait le point d’intersection, le pôle réfléchi d’un monde amnésique qui bascule, amnésie à laquelle Raimund Hoghe ne pouvait se résoudre.
Emmanuel Eggermont à son tour fait oeuvre de mémoire, sans nostalgie aucune, mais pour Raimund Hoghe avec lequel il collabora 15 ans durant. Cette élégie, ce cénotaphe chorégraphique, n’est pas simplement une reprise de quelques-unes des œuvres de ce chorégraphe majeur mais une réflexion sur cet héritage, sa transmission et sa réinterprétation possible. Ce sont quelques fragments qui nous sont offert, de quelques pièces emblématiques auxquelles Emmanuel Eggermont collabora, où l’on retrouve les mythologies de Raimund Hoghe, dans la définition qu’en donnait Barthes, un système de signes. Quelques simples accessoires, couverture de survie, coiffe, chaussures à talon, sable… Une bande-son, chansons et B.O de films, pour évocation de celles et ceux au panthéon personnel du chorégraphe où se côtoie Gene Kelly, Bette Davis, Ertha Kitt, Joséphine Baker, Klaus Nomi ou Maria Callas… retrouvés dans l’épure d’un geste, d’une marche, d’une attitude familière, iconique, repris et développé jusqu’à son épuisement. Et c’est la même émotion qui vous fouaille et cisaille. Parce que l’œuvre défie le temps, résiste même à la mort de son créateur. La force ici de cette re-création, si l’on ose le dire, est qu’Emmanuel Eggermont se détache de l’ombre tutélaire de Raimund Hoghe parce que sans nul doute le véritable hommage est dans l’émancipation et non dans la réitération de son modèle. Il est de toute façon impossible de s’approprier ce qui appartient définitivement à Raimund Hoghe tant sa présence unique au plateau était l’alpha et l’oméga même de sa danse. Emmanuel Eggermont agit en véritable interprète et légataire avec tout le talent qu’on lui reconnait, s’appropriant ces rituels singuliers, absorbant cet univers, en exprimant tout le suc qu’il contient, mais traçant son propre sillon dans celui de Raimund Hoghe et dans lequel il puise et forge son imaginaire personnel. Etrange, troublante sensation et merveille à vrai dire que ce palimpseste magistrale où perdure la présence irréfragable de Raimund Hoghe dans les principes fondamentaux de ses créations, de ses enjeux, mis en perspectives, cristallisés, sans que la présence magnétique et élégante d’Emmanuelle Eggermont et son geste chorégraphique particulier et atypique ne s’efface. Au contraire et loin d’être un acte nostalgique c’est un souffle nouveau où l’un et l’autre et l’un par l’autre se révèlent, nous sont révélés, exhaussés, métamorphosés, sublimés.
About love and death, élégie pour Raimund Hoghe, concept, chorégraphie et interprétation d’Emmanuel Eggermont
Collaboration artistique : Jilhyé Jung
Création lumière : Alice Dussart
Régie sonore : Julien Lepreux
Remerciements : Kite Vollard
Les 20 et 21 janvier 2025 à 20h
Théâtre de la Cité Internationale
17 boulevard Jourdan
75014 Paris
Réservation : 01 85 53 53 85
Programmation et réservation du Festival Fait d’Hivers : www.faitsdhiver.com
comment closed