Critique d’André Antébi –

Le titre de la pièce est déjà évocateur de l’univers poétique dans lequel nous plonge Philippe Dorin. Son écriture se joue des mots et des constructions trop parfaites. Elle est magnifiquement servie par la mise en scène de Sylviane Fortuny.

C’est l’histoire de deux solitudes qui feront chemin l’une vers l’autre, s’apprivoiseront et peut-être s’embrasseront.
Un jeune homme, jupe et épée de bois à la main, marche de long en large à la recherche « d’un chemin pour ses pieds » après la disparition de sa sœur.
Une jeune femme, depuis la coulisse, l’interpelle et lui ouvre une voie nouvelle. Prisonnière de son père qui a fait coudre toutes ses robes pour qu’elle ne puisse s’en vêtir, elle attend à demi-nue et seule qu’un frère viennent à sa rencontre et lui permette enfin d’entrer sur scène, de se montrer au monde…

La simplicité de cette histoire qui reprend un schéma classique du conte pour enfant permet à la poésie portée par la compagnie Pour ainsi dire d’emmener le spectateur, quel que soit son âge, dans ce parcours initiatique vers l’être aimé.

L’univers à la fois mystérieux et gracieux dans lequel évoluent les deux personnages repose sur une très belle unité créatrice. La légèreté des corps, la douceur des voix et la belle intensité des comédiens (Camille Voitellier et Florent Nicoud) s’accompagnent d’une lumière et d’une scénographie envoutantes (Kelig Le Bars, Magali Murbach et Sylviane Fortuny).

Des images fortes resteront gravées dans la mémoire du jeune public, comme ce moment où les 150 robes autour desquelles le décor (et l’histoire…) est conçu, jusque là alignées en fond de scène sur toute la largeur, envahissent l’espace, dans la pénombre, et s’approchent du public, menaçantes comme une marée montante. Cependant la troupe ne joue pas sur le spectaculaire mais plutôt sur la sensibilité des formes simples.

On y parle de pudeur et de nudité, de la découverte et de la représentation de soi. Le deuil et la solitude sont aussi abordés et c’est avec optimisme que tous ces sujets sont traités.
Face à ces enjeux forts, rendus accessibles grâce à un univers qui leur est familier, les enfants sont captivés, émus et n’hésitent pas à rigoler des situations les plus désespérées.

Un très beau travail donc, pour les enfants dès l’âge de huit ans.

Abeilles, habillez-moi de vous
De : Philippe Dorin
Mise en scène : Sylviane Fortuny
Avec : Camille Voitelier et Florent Nicoud
Scénographie : Sylviane Fortuny, Kelig Le Bars et Magali Murbach
Lumière : Kelig Le Bars
Costumes : Magali Murbach
Musique : Catherine Pavet
Couture : Marie-Cécile Viault

Du 9 au 21 mars 2010

Théâtre de l’Est parisien
159 avenue Gambetta, 75 020 Paris
www.theatre-estparisien.net

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