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ab [intra], Sydney Dance Company, chorégraphie de Rafael Bonachela, au Théâtre National de la Danse -Chaillot 

Avr 04, 2022 | Commentaires fermés sur ab [intra], Sydney Dance Company, chorégraphie de Rafael Bonachela, au Théâtre National de la Danse -Chaillot 

 

© Pedro Greig

 

ƒƒ article de Marguerite Papazoglou

Des danseurs exceptionnels au service d’une pièce virtuose et enivrante, pour le plus grand ravissement du public. Ab [intra] : de l’intérieur. Cet intérieur — à l’intérieur de crochets — ce pourrait être celui du corps, et plus particulièrement du corps dansant. Car dans ce corps tout est beau, tout est chaud, calme, lié, lisible. Dans ce corps de la Sydney Dance Company, tout est fait de la même chair et tout arrive à l’instant juste.

Chaque geste nous fait sentir le plus intime de sa naissance, on le sentirait presque, que la naissance du geste est dans cet intime in-time. En d’autres termes, le travail d’ensemble est absolument remarquable. Plus qu’un unisson rythmique la Sydney Dance Company atteint aussi l’unisson dans la qualité et l’amplitude du mouvement, sans toutefois écraser les particularités expressives et vibratoires de chaque interprète, une qualité rare ! Une même ondulation féline de la colonne vertébrale traverse toute la gestuelle, suave, fulgurante, nerveuse ou lymphatique, lui conférant cette élégance particulière, une rondeur et une infaillible lisibilité.

Le rideau se lève cérémonieusement, deux danseurs immobiles, l’un allongé l’autre debout, marquent le point zéro de la composition. Étendue horizontale et verticalité, ombre et lumière. Puis un premier déplacement, puis le bord fini du plateau. Y entrent d’autres corps qui s’articulent dans un rythme déjà happé par les cordes de violoncelle claquées et amplifiées au maximum. Ainsi commence ab [intra], traçant comme sur une page blanche une écriture chorégraphique rigoureuse qui parle de structure, où chaque appui et chaque contact découle du précédent et amorce le suivant : une complexité organique et une rythmicité taillée au cordeau. Rafael Bonachela pénètre dans la musique pour en embrasser les mouvements et en révéler l’urgence sourde. Le résultat est une danse qui en fait éclater l’expressivité, alternant solos, duos et trios — où le lyrisme n’est pas absent — et des parties d’ensemble où la géométrie spatiale dialogue avec la géométrie temporelle faite de modules qui se répètent et se déclinent, de simultanéités et de décalages. La musique originale de Nick Wales est un mandala rythmique envoûtant. L’enregistrement, très proche des instruments, et la diffusion immersive transportent le spectateur « à l’intérieur » de l’espace sonore, baigné des résonances et battements acoustiques et électroniques et accroché au frottement des cordes.

C’est une expérience ! C’est aussi une pièce à la gloire d’un type de corps assez classique, puissant, jeune et athlétique, rehaussé de sensualité et d’une délicatesse aux griffes acérées, qui chatouille nos fantasmes ou, peut-on dire aussi, qui vient nous rappeler à la beauté, à son partage : la joie débordante dans l’union de tout type. Complémentarité, coordination, jonction, agglutinement, accouplement, compétition, compréhension, fraternité et … danse, l’être ensemble est la figure principale. Dans quelques rares moments de groupe savamment distillés, l’unisson disparaissant, affleurent une complexité naturelle et incontrôlée, une expressivité inconnue, une sagesse de la peau même ! mais cette vague d’entropie ou ces fauves lâchés sont (trop) vite domestiqués dans le travail de composition et le retour à l’unisson.

 

© Pedro Greig

 

Ab [intra] par la Sydney Dance Company, Rafael Bonachela

Chorégraphie Rafael Bonachela
Musique Nick Wales (composition originale de Nick Wales avec des passages de  Klātbūtne (« Presence ») de Pēteris Vasks)
Lumières Damien Cooper
Costumes et scénographie David Fleischer

Avec
Natalie Allen, Davide Di Giovanni, Dean Elliott, Jackson Fisch, Jacopo Grabar, Liam Green, Luke Hayward, Morgan Hurrell, Sophie Jones, Dimitri Kleioris, Rhys Kosakowski, Chloe Leong, Jesse Scales, Emily Seymour, Mia Thompson, Coco Wood, Chloe Young

 

 

Du 23 mars au 1er avril 2022 à 20 h 30 et à 19 h 30 le jeudi

Durée 1 h 15

 

Théâtre National de Chaillot
1 Place du Trocadéro

75016 Paris
Réservation au 01 53 65 30 00

www.theatre-chaillot.fr

 

Tournée :

• Arcachon, Le Théâtre Olympia, 7 avril 2022
• Mont de Marsan,Théâtre de Gascogne, 9 avril 2022

 

 

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