Critiques // « A quatre dans une chambre » d’après Kataev par la Cie Sampa au Théo Théâtre

« A quatre dans une chambre » d’après Kataev par la Cie Sampa au Théo Théâtre

Mar 30, 2010 | Aucun commentaire sur « A quatre dans une chambre » d’après Kataev par la Cie Sampa au Théo Théâtre

Critique de Bettina Jacquemin

« Dans la ligne du Parti… »

Moscou, les années Trente. Vassia et Abram, membres des Jeunesses communistes se partagent la même chambre. Par une coïncidence remarquable et à l’insu de l’autre, ils se marient le même jour. Vassia épouse Lioudmila, jeune fille sans parti et Abram, Tonia Kouznetsova, une camarade des Jeunesses communistes. Ils sont alors confrontés à une situation délicate : annoncer l’un à l’autre que leur nouvelle compagne vient s’installer dans la chambre avec eux…

Quand un brésilien adapte un Vaudeville russe en France…

Eraldo Rizzo adapte La Quadrature du cercle de Valentin Petrovich Kataïev. Un ‘’Vaudeville’’ inspirée, dans les années vingt, par un contexte de crise aiguë du logement dans l’URSS d’après-guerre.

Sur la scène du Théo Théâtre, quelques détails font minutieusement écho à l’aspect historique. Des costumes, un brun désuets. Un décor, réduit à son plus simple effet ; un matelas à même le sol. Un discours. « Etre dans la ligne du Parti… ». Deux couples vivent sous le même toit…Très vite, les quiproquos et les tensions apparaissent. Mais, la part belle est faite au questionnement et à l’imaginaire. Un travail sur l’improvisation et un contexte historique aux résonances étrangement contemporaines. D’où le titre de la pièce, A 4 dans une chambre

Un rire tempéré

Il fallait une équipe de comédiens, dotés d’une énergie inépuisable pour incarner la force comique de la pièce. C’est chose faite. On cerne rapidement l’extraordinaire potentiel des interprètes masculins. Comment ne pas s’attarder sur le metteur en scène, Eraldo Rizzo, lui-même (trop peu) présent sur scène ? Ce dernier revêt l’habit expressif et délicieux du poète, Emiliane. Riche d’un long parcours scénique, il lui suffit d’une courte apparition ‘’vaudevillesque’’ pour que chacun de nous savoure le lien subtil qu’il établit entre force burlesque et sincérité.
Le rire ne manque pas non plus de justesse dans l’interprétation de Vassia (l’un des deux époux). Un rôle porté par Baltazar Rizzo, digne ‘’fils de’’. Loin d’être là pour cette unique raison, il a, en plus du nom, hérité du talent de son père. L’histoire d’amour fait rapidement apparaître chez lui une réelle douceur. Un sentiment qui laisse progressivement la place à une agressivité provoquée par la promiscuité des deux couples. Le comédien fait preuve d’une habilité certaine à exprimer l’évolution des sentiments. De part cette montée en puissance, il participe largement à la dynamique comique mais renvoie également le spectateur à la dure réalité de la situation.

Simone Gisoni (Abram) contribue, lui aussi à la fraîcheur et au réalisme de l’histoire. C’est avec délicatesse qu’il aborde son personnage. Il conserve tout au long de la pièce la finesse de son interprétation. Le visage est rayonnant. Les mots sont posés, sans éclats de voix. Le tempérament est nuancé et continu, apaisant parfois l’exaltation provoquée par la force comique de la pièce. L’on passe sans brutalité d’une douce évasion à la réalité.

Improvisação (1)

Malgré le divertissement et l’accumulation de situations cocasses, les comédiens ne sont jamais grotesques. On hume dans leur jeu une juste adéquation entre dynamisme et justesse. Une proposition basée sur une technique d’improvisation. Un travail voulu par un metteur en scène soucieux de guider les comédiens vers un jeu généreux.

Cette spontanéité suscite alors l’échange avec le spectateur. Regards malicieux et prises à parti, les comédiens interpellent le public. Une complicité préalablement établie par une mise en scène fine et ‘’astucieuse’’. L’œil du spectateur est sollicité. Quelques indices sont disséminés, de-ci, de-là. Quel sens donné à la présence récurrente de la bicyclette dans le couloir ? Et, à l’écoute des chansons latines ? De quoi faire appel à l’œil vigilant du spectateur, le tenir en haleine et lui laisser la porte ouverte à son propre imaginaire.

Quizás, quizás, quizás… (2)


  1. Trad. Improvisation
  2. Trad. Qui sait / Peut-être…

A quatre dans une chambre
D’après : Valentin Kataev « La Quadrature du Cercle »
Traduction : Gérard Abensour
Par : la Compagnie Sampa
Mise en scène et adaptation : Eraldo Rizzo
Avec : Simone Gisoni, Melody Maloux, Baltazar Rizzo, Clémentine Sambuc/Annabelle Basurko, Eraldo Rizzo
Lumières : Fabio Mattoni
Décor et costumes : Cie Sampa

Du 27 février au 18 avril 2010

Théo Théâtre
20 rue Théodore Deck, 75 015 Paris – 01 45 54 00 16
www.theotheatre.com

www.compagniesampa.com

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