Critiques // A bien y réfléchir, et puisque…, La Compagnie 26 000 couverts, La Villette

A bien y réfléchir, et puisque…, La Compagnie 26 000 couverts, La Villette

Juin 03, 2016 | Commentaires fermés sur A bien y réfléchir, et puisque…, La Compagnie 26 000 couverts, La Villette

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

abienyreflechir© Christophe Raynaud de Lage

Les 26 000 couverts repassent à table ! « A y bien réfléchir, et puisque vous soulevez la question, il faudra quand même trouver un titre plus percutant ». Qu’importe le titre, cette nouvelle création est percutante ! Et une fois encore on les maudit de ne rien pouvoir dire vraiment sur cet hilarant et burlesque jeu de massacre qui ne cesse de rebondir et vous fait crever de rire. Après avoir dézingué le cabaret (L’idéal Club), les 26 000 couverts s’attaquent au théâtre. Sous toutes ses formes. Et c’est jubilatoire et grandiose. A commencer par le théâtre de rue dont, paradoxe dont ils ont le secret et la maîtrise, la préparation a lieu en salle ce qui évidemment ne fait plus sens. C’est d’ailleurs le non-sens absolu qui finit par régner sur le plateau. La compagnie se moque d’elle-même, égratigne au passage Royal de Luxe, insulte même leur metteur en scène Philippe Nicolle, se raille du théâtre privé et public dont elle ausculte et dissèque les rouages, les trucs et les clichés, les us et les coutumes, les moeurs étranges, avec une mauvaise foi géniale et une (auto)dérision acide salutaire parfaitement assumée, ridiculise les auteurs et leur licence poétique ou l’art de dire avec aplomb n’importe quoi, persiffle des projets pédagiques et citoyens fourre-tout, brocarde le public (« tous des profs »!), qu’elle finit par faire disparaître, nous sommes au théâtre, tout est possible, parodie les débats futiles d’après spectacle, ironise sur les chauves. Rien, absolument rien ne leur échappe. Et malgré l’impréparation affirmée, le coté foutoir et aléatoire d’une sortie de résidence qui n’est qu’un faux-nez, les catastrophiques et pathétiques numéros, les explications oiseuses, les ratés, la compagnie avec finesse dans le burlesque se joue de cette « fausse répetition d’un théâtre de rue qui devient un vrai spectacle sur une fausse répétition d’un théâtre de rue qui… » etc. La mort, si possible la plus stupide, est le sujet de ce joyeux chamboule-tout, mais elle n’est qu’un pretexte dévastateur. C’est le fil rouge d’une création qui s’interroge sur elle-même et finit logiquement par se détraquer davantage parce que le théâtre c’est aussi et surtout ça, la resistance à toute logique et prévision. C’est sans doute cela que les comédiens revendiquent, l’aléatoire et l’imprévu comme acte de résistance. Tant pis pour les subventions. Et c’est dans ce questionnement entre répétition et représentation, entre fiction et réalité que s’engouffre avec malice et pertinence, avec insolence joyeuse et foutu talent, les 26 000 couverts. Pas pour y répondre mais pour y mettre avec bonheur davantage de chaos et de poésie. Ce qui revient au même. Tout faire exploser à commencer par le carcan du théâtre en boite. La compagnie 26 000 couverts est avant tout une compagnie de rue et de la rue elle amène un sacré courant d’air frais sur le plateau de la Villette. Un courant d’air qui balaye et fait place nette auquel répondent les deux heures d’hilarité qui secoue la salle. La mort leur va si bien ! La mort du théâtre ?

A y bien réflechir, et puisque vous soulevez la question, il faudra quand même trouver un titre plus percutant
Ecriture collective sous la direction de Philippe Nicolle avec la collaboration de Gabor Rassov
Mise en scène Philippe Nicolle
Assistante mise en scène Sarah Douhaire
Création musicale Aymeric Descharrière, Erwan Laurent
Technique Hervé Dilè, Michel Mugnier, Laurence Rossignol
Construction Michel Mugnier
Création costume Laurence Rossignol avec Camille Perrault et Sigolène Petey
Création lumière Hervé Dilè
Postiches, Céline Mougel
avec Kamel Abdessakov, Christophe Arnulf, Aymeric Descharrières, Servane Deschamps, Pierre Dumur, Olivier Dureuil, Anne-Gaëlle Jourdain, Erwan Laurent, Michel Mugnier, Florence Nicolle, Philippe Nicolle, Laurence Rossignol

du 30 mai au 09 juin 2016
du lundi au samedi à 19h30

La Villette
211 av. Jean Jaures – 75019 Paris
reservations 01 40 03 75 75
lavillette.com

Be Sociable, Share!

comment closed