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36e DESSOUS, chronique d’un désastre écologique annoncé, mise en scène Odile Macchi, Théâtre La Reine Blanche

Juin 17, 2019 | Commentaires fermés sur 36e DESSOUS, chronique d’un désastre écologique annoncé, mise en scène Odile Macchi, Théâtre La Reine Blanche

 

 

© Frédéric Bieth

 

ƒƒ Article de Sarah Kellal

Au Théâtre de la Reine Blanche se joue jusqu’au juin 23 juin prochain 36e DESSOUS, chronique d’un désastre écologique annoncé, d’Odile Macchi. Cette dernière, metteure en scène et sociologue, nous livre une création sur un sujet éminemment politique, complexe et tragique. On en ressort avec un goût amer d’impuissance et de colère mêlées autant qu’une envie de se soulever.

Un dispositif sonore et visuel vient porter l’histoire de l’usine d’engrais Fertiladour (fermée en 1993), située à Bayonne, qui a broyé à petit feu ses ouvriers, les faisant manipuler un minerai radioactif extrêmement dangereux, la monazite, ainsi que de la silice pure, et ce, sans les protections nécessaires. C’est l’histoire de la maladie, de la mort, de la mauvaise fois sans nom des puissants et des hauts-placés. C’est l’histoire de la violence d’une classe sur une autre. C’est l’histoire du profit avant la vie. C’est l’histoire des instances de contrôle et de régulations industrielles qui n’interviennent pas avant 2009 et qui, comble de l’ironie, font racler la terre de la zone pour la déposer juste un peu plus loin…

C’est l’histoire d’un « J’peux pas vous dire » répété et entendu maintes fois lors des investigations d’Odile Macchi sur le terrain. « J’peux pas vous dire. » Cinq petits mots à la déflagration violente…

Sur scène, un écran, sur lequel sont projetées en direct les animations et images créées par le talentueux Daniel Azélie, plasticien et manipulateur d’images. Ce dernier est installé à vue autour d’un établi sur lequel se trouvent une multitude d’objets, matières et accessoires auxquels il donne vie. Véritable artisan, il apporte au plateau une dimension poétique qui vient trancher avec l’âpreté du propos, sans pour autant l’affadir.

Des voix aussi, viennent emplir l’espace. Celles d’ouvriers, qui racontent leur histoire, leurs maux, leur impuissance et/ou leur rage. D’autres voix aussi, celles de la langue de bois, du fameux « J’peux pas vous dire. » Celles d’expert aussi, qui apportent un éclairage précieux et technique à l’œuvre. Cette multiplicité de témoignages, omniprésents, deviennent des personnages à part entière.

Une comédienne, Lucie Boscher, dialogue avec ces dites voix, les questionne, les interpelle. Elle analyse, tente d’avancer dans la chronologie des évènements, de remonter le fil, de comprendre et d’extirper un reste d’humanité là où l’éthique a déserté.

L’image, les voix, les corps au plateau : toutes ces dimensions interagissent et dialoguent entre elles, créant un objet hybride intelligent et sensible. La révolte se niche dans les tripes même de la création et gagne le public. J’entends à côté de moi ma voisine murmurer à plusieurs reprises entre ses dents : « Mais c’est pas vrai… Mais c’est pas vrai ! » Dans ma tête, je parle de concert avec elle, tant les chiffres énoncés sont édifiants, tant l’industrie et ses rouages nous apparaîssent dans leur plus pornographique indécence. Contamination des corps et des sols, silence et déni des pouvoirs publics… Un paysage apocalyptique. Les voix continuent de raconter. Lucie Boscher de questionner. Les images créées par Daniel Azélie ne cessent de se renouveler pour recréer les lieux, les gens, les désastres. Dans son petit théâtre d’objets, la mise en abyme de la tragédie qui se raconte est troublante.

De cette apocalypse naît pourtant un ardent désir de lutte. On a envie de croire que des voix peuvent venir couvrir celles qui ont le pouvoir. Les voix de ceux qui en ont réchappé et qui luttent : « On sème à tous vents et on continuera à semer. Pour les générations futures », nous dit-on. De croire aussi que les voix de ceux, qui, passant par le canal créatif et artistique, peuvent faire résonner autrement l’histoire et l’exhumer. 36e DESSOUS, chronique d’un désastre écologique annoncé est l’une d’entre elles.

 

36e DESSOUS, chronique d’un désastre écologique annoncé, texte et mise en scène d’Odile Macchi

Avec  Daniel Azelie et Lucie Boscher

Conseil scientifique  Catherine Cavalin

Scénographie  Si et Seulement Si

Lumières  Cécile Herault

Environnement sonore  Daniel Azelie

Ingénieur du son  François Vaillant

Film du port de Bayonne  Ramuntxo Garbisu

 

 

Théâtre La Reine Blanche — Scène des Arts et des Sciences

2 bis passage Ruelle

75018 Paris

 

Réservation au 01 40 05 06 96

www.reineblanche.com

 

Transports :

Métro L12 : Marx Dormoy

Métro L2 et L12 : La Chapelle

Bus 35 et 65 : Marx Dormoy

Bus 302 et 350 : Place de la Chapelle

 

Tournée :

10 mars 2020

Centre Culturel Pablo Picasso d’Homécourt (54)

 

 

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