©Agathe Poupeney

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Une chorégraphie savante, une énergie brute, pulsation de vie, animale, qui bat au rythme infernal de trois compositions singulières des années 1970. Celle martelée et abrupte de Hoketus de Louis Andriessen, obsessionnelle de Fullness of wind de Brian Eno et chaotique dans Pulsers de David Tudor. Autour de ces trois partitions réunies sous le titre de 3 works for 12 le chorégraphe et danseur Alban Richard compose une fascinante pièce en trois volets qui explorent la notion de groupe, de l’individualité, du geste, de l’espace. D’un groupe parfaitement ordonné, d’une masse parfaitement définie, d’un espace donné, lentement il organise volontairement sa fracture jusqu’au chaos. D’une ligne claire qu’il explose très vite, dans Hoketus il décompose et recompose l’espace et le mouvement dans une géométrie complexe et parfaitement maîtrisée. Chorégraphie où le mouvement, le geste commun agrège chacun au groupe. S’amorce bientôt un relâchement dans une seconde partie, Fullness of wind, encore bridée, tenue, mais où chacun à son tour fait montre de ses qualités intrinsèques avant de réintégrer l’ensemble. Enfin sur Pulsers le groupe et l’espace sont bientôt atomisé, éclaté, ne reste plus alors que l’individu qui se déchaîne jusqu’à l’épuisement, comme livré à lui-même, libre dans un espace soudain ouvert. Les gestes, d’un danseur à l’autre se répondent mais de loin en loin, repris, amplifiés jusqu’à leur abandon. Ce qui au début était de l’ordre de la rigueur, du geste en canon mais qui imperceptiblement se diluait avant de se recomposer, comme un premier galop d’essai vers une tentative de lâcher-prise, n’est plus à la fin qu’une masse éclatée où seuls compte la pulsation vitale, le mouvement brut et l’énergie commune. Alban Richard « abandonne » toute tentative chorégraphique collective pour donner à chaque interprète la liberté de son mouvement, de ses impulsions propres, de son espace. Ce qui compte-là semble être la dynamique de l’ensemble, l’effet de groupe plus que le mouvement lui-même. Suivant en cela au plus près les impulsions des partitions auxquelles les danseurs semblent soumis dont la dernière qui les voit n’être plus qu’eux mêmes, magnifiquement, détachés du groupe mais reliés fermement à lui par cette pulsation interne, ce rythme d’enfer d’une partition qui les mène à la transe. Il y a quelque chose de proprement fascinant, voire d’euphorisant, à voir comment Alban Richard explore ces trois partitions et fait dialoguer avec une étonnante cohérence chorégraphique le mouvement, le geste, l’espace avec les pulsations et la structure internes de celles-ci. Musique, danse, espace, sont ainsi constitutifs les uns des autres, en parfait équilibre. Cette gigantesque et dansante machine humaine selon les mots de Louis Andriessen est une indéniable réussite.

© Agathe Poupeney

3 works for 12, conception, chorégraphie et lumières Alban Richard

Assistants chorégraphiques : Max Fossati, Daphné Mauger

Son : Vanessa Court

Régie son : Denis Dupuis

Lumières, conception de la structure lumineuse et régie générale : Jérôme Houlès

Construction : Valentin Pasquet

Costumes : Fanny Brouste

Réalisation costumes : Yolène Guais

Régie plateau : Olivier Ingouf

Conseillère en analyse fonctionnelle du corps dans le mouvement dansé : Nathalie Schulmann

Avec Anthony Barreri, Constance Diard, Elsa Dumontel, Mélanie Giffard, Célia Gondol, Romual Kabore, Alice Lada, Zoé Lecorgne, Jérémie Martinez, Adrien Martins, Clémentine Maubon, Sakiko Oishi

Programme musical Hoketus (1976) de Louis Andriessen

Fullness of Wind (1975) de Brian Eno

Pulsers (1976) de David Tudor

Du 12 au 15 janvier 2022

A 20 h 30

Théâtre National de la Danse de Chaillot

1 place du Trocadéro

75016 Paris

Réservation 01 53 65 30 00

www.theatre-chaillot.fr

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