Critique de Bruno Deslot –

Il suffit parfois de parler !

Trois couples pour trois petites affaires dont la problématique, quelque soit l’époque, pose la question de la relation à l’autre dans toute sa complexité.

Deux jeunes gens, fraichement mariés, se retrouvent dans le train qui les emmène en voyages de noces pour New-York. Deux amies complices partagent un déjeuner au cours duquel l’une d’entre elle avoue son désir envahissant de tenter l’expérience de l’aventure extra-conjugale. Voyant l’enfant de son ex petite amie, Eric se replonge dans le passé et revient sur leur rupture douloureuse. Tensions, ironie, troubles et choix de vie parfois délicat, le couple des années 30, 70 ou d’aujourd’hui est mis à rude épreuve pour exprimer l’angoisse de la première fois, la frustration sexuelle et la peur de l’engagement.

Nous y voilà de Dorothy Parker, Tout ce que tu voudras de Cathy Celesia, L’homme qui ne savait pas danser de Jason Katims composent 3 littles affaires dont l’adaptation qu’en fait Adeline Piketty restitue un univers singulier dans sa dimension tragi-comique. Percutants, efficaces et acerbes, les situations s’enchaînent selon un découpage qui se prête volontiers au jeu du plan séquence. Chaque histoire est suspendue, comme un arrêt sur image, au moment où l’on s’attend à découvrir la suite qui ne sera révélée que dans un deuxième temps. Un parti-pris de mise en scène très intéressant qui relance la dynamique du jeu et permet de croiser les regards sur ces histoires dans lesquelles un large public peut se reconnaître. Trois histoires déclinées en deux temps et pourquoi pas en trois afin de parachever cette dynamique propre aux situations que les auteurs proposent dans un style typiquement américain qui nécessite de maintenir un rythme et une tension d’un bout à l’autre de la proposition. Le rythme ternaire, si cher aux spécialistes de la communication, aurait sans doute permis de proposer un dénouement moins prévisible et précipité, privilégiant davantage l’efficacité des dialogues et maintenant le public véritablement en haleine.

Une affaire de personnes !

6 comédiens pour 3 petites affaires, courtes, efficaces et corrosives ! Un pur délice pour les acteurs qui prennent beaucoup de plaisir à interpréter leur personnage qu’ils tentent, bon gré mal gré, de rendre crédible en dépit d’une distribution inégale. Faisant partie de la compagnie aiA, dirigée par Jean-Paul Denizon et Melita Poma qui privilégient les créations théâtrales où se rencontrent et se mélangent les cultures, les jeunes comédiens sont d’une grande générosité et osent aller jusqu’au bout de leurs engagements dans une ambiance où la bonne humeur semble de mise.

Une mise en scène réciproque et c’est sans doute là où la bas blesse, car l’ensemble manque cruellement d’une réelle direction d’acteurs, freinant les intentions de certains et confortant d’autres dans un jeu plaqué et convenu. On perd très rapidement l’efficacité, les ruptures de rythme et les actions courtes que proposent les dialogues.

Dans le train qui mène le jeune couple de mariés en voyage de noces à New-York, Lui (Adrien Debré), d’une grande justesse, s’anime, s’agite donne le ton à une situation tendue et décalée, mais Elle (Jeanne Bischoff) ne lui donne pas le change et l’ensemble s’essouffle bien rapidement. Tout comme lorsque Lynette (Orane Dumas), pétillante et inattendue, annonce sans détours à Rachel (Adeline Piketty) son envie exacerbée d’aller voir ailleurs, l’échange provoque bien trop vite l’effet d’un pétard mouillé. La scène entre Eric (Thomas Willaime) et Gail (Kristina Sherwood) bien que très juste, est d’une linéarité déconcertante.

Plus de rythme, une direction d’acteurs bien ficelée et un jeu moins convenu permettra sans aucun doute, à cette jeune troupe de comédiens franchement sympathique, de donner à leur proposition une couleur plus proche de ce à quoi ils aspirent.

3 Little Affaires
D’après : Dorothy Parker « Nous y Voilà », Cathy Celesia « Tout ce que tu voudras », et Jason Katims « L’homme qui ne savait pas danser »
Traduction : Adeline Piketty
Création et mise en scène : Cie aiA
Graphisme et effets sonores : Adrien Debré
Avec : Jeanne Bischoff, Adrien Debré, Orane Dumas, Adeline Piketty, Kristina Sherwood, Thomas Willaime

Du 18 mars au 16 mai 2010

À La Folie Théâtre
6 rue de la Folie Méricourt, 75 011 Paris
www.folietheatre.com

www.3littleaffaires.com

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