ƒƒƒ Article Bruno Deslot
Deux vachers chevauchant la mort puis la vie
Une tempête de mots convoquant l’ordurier littéral d’une fable anthropologique fait trembler les idées reçues d’une civilisation aussi prévisible que prévoyante.
cow-boys, au langage cru et aussi abrupt que leur monture, consomment de la vodka, de la cocaïne, du vin, des cachets, des séances de baise pour « retarder le temps de la séparation » et « étirer le temps de la participation ». Il y a un désir morbide fascinant dans cette quête du plaisir charnel et cette débauche du verbe qui ne trouve de limites que dans le temps que lui accordera la fabuleuse aventure des paradis artificiels. Une certaine poésie se dégage du texte dès lors que l’on s’en tient à distance. Le début de cette fable cavalière met en perspective la peur de la mort et son irréductible désir inconscient d’en tester les limites. À cela, l’auteur y ajoute son implacable lucidité, son redoutable point de vue sur le monde bourgeois où chacun se cache derrière un prétexte afin de mieux contourner ses responsabilités, ses propres engagements face à une société qui l’a dompté comme ces deux cow-boys tentent de dompter les bovins dont ils ont la charge.
Le rire est devenu éminemment social, selon les deux cow-boys, et contribue à conforter l’être humain à s’inscrire dans des codes de communication idéals pour échapper à l’essentiel. Les enfants apprennent l’anglais dès la maternité, on garde sa compagne ou son compagnon en s’engageant au minimum, on cherche à l’éviter en partant en voyage. Il vaut mieux être deux à regarder le Colisée que face à face autour d’un dîner aux chandelles ! Les inconnus gagnent à être connus car la déception est moins grande que ces amis devenant des caméléons dès lors qu’il s’agit de nous oublier. Mais l’essentiel n’est-il pas ailleurs ?
Cette pièce est très originale par sa structure et totalement différentes des productions précédentes de l’auteur. La dimension littéraire de l’ouvrage nous gagne peu à peu et surtout vers la fin de la pièce qui s’achemine vers une forte abstraction et une violence assez dérangeante. La poésie se ressent plus qu’elle ne se lit et suscite, par-là même, la réflexion. Rodrigo Garcia procède à un jeu de bascule entre la mort, très prégnante au début de la pièce, et la vie qui s’installe vers la fin et justifie le titre de « Mort et réincarnation… ». Deux univers s’entrechoquent, comme les mots et les attitudes de ces deux hommes bourrus que l’on imagine le sexe à la main, droits comme un I, et prêts à partir en campagne contre une société en péril.
L’auteur nous bouscule, d’un bout à l’autre de la pièce, avec cette habileté si personnelle à manier la dérision. Ses considérations dérangeantes sur la société, la mort, la vie, relèvent toujours de l’excès et l’on s’y attache car ils sont toujours très humains et salvateurs.
Mort et réincarnation en cow-boy
De Rodrigo GarciaCe titre est disponible dans Cendres 2000-2009
Texte traduit de l’espagnol par Christilla Vasserot
Les Solitaires Intempestifs
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