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Critique • Contractions. Mise en scène de Mélanie Leray au Théâtre des Abbesses

Mai 25, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • Contractions. Mise en scène de Mélanie Leray au Théâtre des Abbesses

ƒ Critique Djalila Dechache

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 ©Christian Berthelot

En voilà un titre étrange pour évoquer le harcèlement au travail. Ce terme est utilisé en médecine, il a une signification semblable à celle de la langue française. Ce texte écrit par Mike Bartlett, est monté par Mélanie Leray qui voulait mettre en scène celui de Florence Aubenas « Le quai de Ouistreham »

Le décor est représentatif du monde du travail de la City ou de la Défense, aux couleurs sombres, aux formes sèches et pointues comme des piolets, un sol noir, éclairage diffus, une plante verte synthétique dans un coin, la fontaine à eau parce qu’il faudra beaucoup user de salive dans cet univers aseptisé, une grande table rectangle de dissection lisse tel un miroir avec un fauteuil directorial d’un côté et un tabouret sur trépied de l’autre. Un écran omniprésent et avec qui plus est, le maniement de la caméra en Big Brother achève l’attirail du harceleur accompli.

Deux femmes, l’une la Responsable devant son ordinateur portable, enquête, dirige, impose, ordonne, épuise tandis que l’autre Emma, fraîchement engagée, reste naturelle, souriante  puis résiste, s’entête, tombe, s’écrase et après être devenue un déchet humain, se soumet pour ressembler trait pout trait à sa Supérieure.

Elle est parfaite cette Madame de Merteuil du Monde des Affaires…..

La scène qui ouvre le spectacle sur le réseau social influent du moment par écran interposé, est quelque peu « facile » et prête à sourire. La responsable convoque Emma régulièrement dans son bureau, en 14 entretiens précisément,  afin de rétablir le désordre consécutif à une relation amoureuse au sein de l’équipe. Cet aspect relationnel prévu dans le contrat de travail de l’intéressée, est fortement interdit parce qu’il a  des incidences négatives sur la productivité et les ventes.Le plus fâcheux est que les résultats d’Emma restent bons, pourraient l’être davantage, encore plus performants pour que l’entreprise puisse rester dans la course du profit et de la compétitivité, terme que l’on entend beaucoup ces derniers temps.

Bien que la mise en scène dans sa globalité soit bonne, on reste sur sa faim sur le traitement du thème qui fait couler beaucoup d’encre, de larmes, de peine et de drames en France. Et ce n’est pas fini, il a encore beaucoup trop de souffrances à cause de cela en France et ailleurs. Manipulation, machination sont pourtant bien là pour atteindre les objectifs fixés par une DRH déchaînée à la solde des dirigeants, qui veut garder son poste elle aussi. Toutes ces personnes qui se suicident à cause du travail, de ses méthodes et qui laissent une malédiction en héritage. Evidemment l’Angleterre n’est pas la France, cependant les méthodes de management restent les mêmes, issues du même socle outre – atlantique de l’économie libérale mondialisée. Il n’y a personne autour d’Emma pour l’aider, la conseiller, la prendre en charge même quelques temps : sans doute que le thatchérisme a tout rasé sur son passage.

Les comédiennes sont remarquables, que ce soit Elina Löwensohn, « d’origine roumaine, vit depuis longtemps en France, mais quelque chose lui reste, y compris de savoir ce que veut dire « dictature ».Elle est parfaite cette Madame de Merteuildu Monde des Affaires, rouage essentiel d’une machine qui ne fera plus marche arrière. Marie Denardaud, joue parfaitement sa partition, elle est tout fait crédible du début à la fin,  mais pourquoi la mettre nue à un moment donné -on comprend bien ce qu’il lui arrive sans que cela soit nécessaire d’appuyer davantage- et la scène du bassin plein d’eau n’apporte pas grand-chose. Bien sûr l’on y voit également les transferts de domination colonialiste d’un pays sur l’autre,  et dans le même pays d’une groupe social sur l’autre, d’un homme sur l’autre, d’une femme sur l’autre et ainsi de suite en multipliant les croisements pour aliéner un faible par un soi-disant plus fort.

 

 

Contractions
De Mike Bartlett –  traduction Kelly Rivière assistée de Rozenn Tregoat
Mise en scène de Mélanie Leray
Avec Marie Denarnaud, Elina Löwensohn
Scénographie & vidéo David Bersanetti assisté pour la vidéo de Cyrille Leclercq
Lumières Ronan Cabon
Son Jérôme Leray
Costumes Laure Maheo
Dramaturgie Pascale Breton
Jusqu’au  au 1er juin à  20h30
Durée 1 h 20
Théâtre des Abbesses
31 Rue des Abbesses 75018 Paris
Métro : Pigalle
Réservation : 01 42 74 22 77
Lecture de Contractions au Théâtre de la Ville le Vendredi 10 juin 18h30

 

 

 

 

 

 

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