ƒƒ Critique de Djalila Dechache
Ce n’est pas une question. Ce n’est pas une histoire au sens classique du terme comme on pourrait s’y attendre, sans début, ni fin, ni point culminant, ni dénouement. Il n’y a pas de texte, il n’est pas nécessaire, le langage est ailleurs, dans le corps, les mouvements, les objets, les silences, les sons étranges. Les mots pourraient réduire l’intensité de ce qu’il fait sur scène, pourraient charger sa démarche d’une autre signification. C’est au public de trouver.
Claudio Stellato est un artiste multiple, il a commencé comme musicien, puis artiste de rue, comédien, danseur, faiseur d’images, magicien. Il signe presque tout dans ce spectacle qui est le fruit de trois ans de travail et on peut le comprendre quand on voit que chaque geste est travaillé, poli tel celui du menuisier sur son établi, chaque mouvement réfléchi pour éviter la répétition, la facilité. Rien ne de tel dans ce travail iconoclaste. Il arrive, entouré d’objets du quotidien, seul sur scène, en apparence. Il communique avec une commode banale, réussit à y entrer intégralement avec son grand corps athlétique.
L’armoire se dandine de gauche à droite, lui dedans, on pense au géant de la montagne ou à un molosse qui se déplace. Quand sa porte claque vite et fort, on sent la tempête qui gronde. Et le tapis qui devient serpent, qui rampe et se convulse. Claudio Stellato joue de la perspective, du vide, de l’effet d’optique à tel point que l’on croirait qu’il marche en lévitation, par la seule force de son mental. Depuis la salle, on en perdrait l’équilibre tout en voyant double !
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? »
Sur la scène de la grande salle du Tarmac, il apparaît en homme-commode, en homme-armoire, tel Robinson sur son île, il explore les possibilités de vie perché dessus, cherchant à se poser quelque part, entre le dedans et le dehors ou suspendu entre ciel et terre, à moins que ce ne soit entre rêve et réalité.
Meubles et objets s’animent, s’expriment et expriment la joie, l’énervement, la folie. Quand il est dans un meuble, il donne l’impression que tous les deux s’expliquent, lui et l’armoire, lui dans l’armoire, à moins que ce ne soit avec lui-même…
Et dire que l’on malmène chaque jour, qui une chaise, qui une table en tapant du point dessus qui encore martyrise une armoire rétive, après ce travail artistique de Claudio Stellato notre regard sur les objets qui nous entourent en prend un sacré coup au point de nous demander, comme Lamartine : « Objets inanimés avez-vous donc une âme, qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?…».
Jusqu’au final, Claudio Stellato s’amuse de nous : on a comme une vision étrange de cet être au visage de statue qui se dédouble et crée le trouble en nous, son acolyte Martin Firket, en tous points physiques pareils, vient saluer avec lui la performance et tous deux accompagnent le public jusqu’à la sortie.
L’autre, dans le cadre du Festival Escapades
Concept, chorégraphie, mise en scène Claudio Stellato
Collaboration artistique Martin Firket
Assistante Chiara Ribera d’Alcalà
Scénographie, costumes, son, lumières Martin Firket, Claudio Stellato
Avec, Claudio Stellato et son complice Martin Firket
jusqu’au 22 Décembre 2012, 20h, 14h30
Le TARMAC – Scène internationale francophone
159 avenue Gambetta – 75020 Paris
Métro Saint-Fargeau
Réservation : 01 43 64 80 80
www.letarmac.fr