Article de Djalila Dechache
Dans le cadre du temps fort (be) au boulot! : Un mois pour questionner le travail.
Nicolas Frize, coutumier de créations inédites, appelle cela « un laboratoire public et ouvert » mais nul ne sait vraiment ce que c’est.
Tout comme nul ne sait ce qui va se passer mais tout le monde reste, on attend sans savoir.
CECI N’EST PAS UN SPECTACLE.
Pourtant cela se passe à la Maison des Métallos, dans la grande salle qui n’est plus pour l’occasion une salle de spectacle mais s’apparente à une grande salle de travail de type paysager qui n’a rien de paysage que des êtres qui travaillent ensemble, où tout s’y passerait c’est-à-dire la vie avec le travail, de tous les jours des gens. Nicolas Frize nous accueille, souriant et nous demande d’accrocher nos vêtements aux porte-manteaux.
Pendant ce déroulement particulier, tout s’imbrique, le temps, sa durée, l’écoute, la prise de parole (fortement recommandée), des écrans vidéo qui distillent des images d’artisans au travail mais pas seulement, une photocopieuse, des pendules de SNCF à chaque mur, des pupitres transformés en plateau, une partie centrale accueille partitions et instruments de musique, un coin cafétéria ouvert pendant le «laboratoire », un coin librairie avec des livres à vendre pour de vrai, balais et pelles s’il a des miettes lors du grignotage, des serviteurs-facteurs qui circulent avec micro soit pour lire soit pour donner la parole.etc……
Pour le public actif selon les indications du conducteur de Nicolas Frize et de son équipe, on passe du collectif à l’individuel, du sonore au visuel, du rythme au silence, tout est bon pour faire sens selon le créateur, grand chef d’orchestre devant l’éternel.
Il y est question de travail, de la place qu’il occupe dans la vie selon que l’on en ait un ou pas, c’est pareil, cela prend beaucoup de temps. D’ailleurs la dimension-temps est très importante et drôlement mise à mal selon où l’on se trouve à un moment donné.
Pendant que la première partie se déroule, des phrases ont été tirées des interventions du public, imprimées et distribuées à un moment différent dans le process et arrivent à point nommé parce que l’on a entendu beaucoup de choses sur la question, pas forcément de mauvaises ou de dures choses mais cela nous a tellement concerné que l’arrivée de « Parfois il faut prendre du temps pour respirer » retentit comme une injonction vitale, ou bien «Travailler est une expérience personnelle ».
Il trouve des choses très justes Nicolas Frize parce que toute sa démarche est réfléchie, très bien pensée en prenant appui sur les sciences sociales.
Notamment lorsqu’il dit justement que peu de personnes savent répondre à la question « Que faites-vous ?» comme s’il manque quelque chose à la question qui trouble la réponse, ce que je fais maintenant? Ce que je fais dans ma vie ? etc….
Avec des allures de légèreté, de futilité même oserait-on dire, il se trouve que ce style de déménagement bouscule notre perception, notre vécu, notre ressenti, notre projection sur le travail. Beaucoup d’auteurs, de créateurs se lancent à l’assaut de la forteresse travail, de ses évolutions à travers l’histoire et l’actualité de doctrines économiques qui façonnent non seulement notre expérience mais transforment radicalement le rapport au travail en profondeur. C’est bien simple, on n’y croit plus comme avant au travail, comme nos parents y croyaient. Le travail a changé de mission, il s’est déplacé dans la sphère de nos priorités.
ENCOURAGEONS NOS ENFANTS A DEVENIR OEUVRIER
Les notions de métier, de savoir-faire, profession, travail s’imbriquent : un métier c’est un savoir-faire, une profession une catégorie socio- professionnelle et un travail une activité économique. Comment s’y retrouver ? Quand je travaille est ce que je réfléchis ? Grande question qui suscite des réponses diversifiées selon l’automatisation générée selon le domaine occupé, selon ce qui est fait.
Comme ce jeune homme qui sert des cafés et qui se fait un point d’honneur à réfléchir sur la gestion de son service sinon « tu fais n’importe quoi si tu ne réfléchis pas».
Avec l’arrivée de l’électronique dans la vie courante et professionnelle, on se trouve face d à des sons diffus qui ne s’arrêtent pas à commencer par le magma sonore dans un hôpital par exemple observé avec et sans le son, qui donne à penser à l’auteur que l’oreille est très présente dans le travail et plus qu’ailleurs. Malin pour un musicologue qui demandera ensuite à chaque tablée de créer une rythmique –lui dit une musique- avec une partition invisible.
C’est à partir du moment où il fait interpréter à un contre-ténor et au violoncelliste le même morceau à deux vitesses différentes que N. Frize envoie que c’est la vitesse qui est responsable du résultat au travail.
Oeuvrier de sa vie plutôt que quoi ? Plutôt que dépendant, que subordonné à, que passif, que…….tout ce qui rend aveugle et sourd, machine sans pensée, corps sans vie, âme sans réflexion, être humain sans but, sujet observant et sujet d’études.
Est-il nécessaire de préciser que dans cette aventure il n’y a pas de billetterie, pas de programme –il est distribué à la fin- pas de représentation en tant que telle, pas de comédiens même si l’ensemble est drôlement bien scénographié, très bien préparé et très bien dirigé.
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